Accident nocturne
de Patrick Modiano

critiqué par Jules, le 19 octobre 2003
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Qui cherche trouve, mais pas ce qu'il pensait...
Un soir, place des Pyramides à Paris, notre narrateur se fait accrocher par une voiture. Celle-ci le blesse légèrement et, dans son embardée pour tenter de l'éviter, termine sa course contre une borne. Une jeune femme en sort et ils se retrouveront tous les deux dans une clinique.
Elle est légèrement blessée au visage et lui au pied, à la jambe et à la main. Dans l’ambulance, couchée à côté de lui, elle lui prend le poignet et lui sourit. Un homme vêtu d'un manteau marron est venu la rejoindre.
Il est emmené dans une salle et se réveillera dans une chambre après avoir été endormi et soigné. Commence alors pour lui une quête longue et difficile : retrouver sa propre vie et, surtout, cette femme qu'il est convaincu d’avoir connu en d'autres temps. Il est convaincu qu'elle est un lien entre une vie passée qu’il ne connaît pas, dont il n'a qu’une vague idée, et sa vie future. Au moment des faits, il n’a pas tout à fait vingt et un an.
Commence alors un vrai livre de Modiano, un de ces livres dont il a le secret. Un narrateur qui sait qu'il a une mère, mais qu’il n'a jamais connu. Il a un père, mais celui-ci a un jour fait appeler police secours pour se débarrasser de lui. Depuis, il ne le voit que très vaguement et seulement lors de courts rendez-vous dans des cafés.
Il va errer dans Paris à la recherche de cette femme et les rues et les quartiers qu’il va parcourir lui feront chaque fois penser à quelque chose. Cette histoire avance donc de petits quelques choses en petits quelques choses. Tout est flou. Il prend cet accident comme une chance : celle de se retrouver.
« …oui, aussi loin que je remontais dans mes souvenirs, j'avais toujours marché avec une seule chaussure. »
Que sait-il de lui-même ? Il sait qu'il est né à Biarritz, mais tous les nombreux endroits de passage de sa vie ne sont que très vaguement ancrés en sa mémoire. « Depuis longtemps, je m’étais efforcé d’oublier mon enfance, sans jamais avoir éprouvé pour elle beaucoup de nostalgie. Je ne possédais aucune photo, aucune trace matérielle de cette époque, sauf un vieux carnet de vaccination. »
Pour finir, c'est un vaccin, le cachet d’un médecin et le nom d'un village qui vont l'aider à avancer : Fossombronne-la-Forêt dans la Loire.
Mais cette femme ? Il doit la retrouver car il est convaincu qu'elle est la clef de tout l’édifice,
Suite à l’accident, elle lui a donné son nom et il sait qu'elle a une Fiat de couleur vert d'eau. Il ne sait rien de plus. Il ne peut continuer à vivre sur une seule chaussure !
« J’aurais voulu me fondre dans le paysage. Déjà, à cette époque, j’avais le sentiment qu’un homme sans paysage est bien démuni. Une sorte d'infirme. Je m'en étais aperçu très jeune, quand mon chien était mort et que je ne savais pas où l'enterrer. Aucune prairie. Aucun village. Pas de terroir. »
Il lui faut retrouver sa vie antérieure, ou une nouvelle.
Patrick Modiano est passé maître dans la description de vies qui ne tiennent quasiment à rien, sans attaches, sans buts, sans passé, presque sans avenir si elles ne trouvent rien à quoi se raccrocher. Ici, il se livre à nouveau à cet exercice, mais, à mes yeux, avec peut-être davantage de bonheur que dans d'autres de ses romans.
J’ai vraiment été accroché par ce narrateur et son histoire, ou plutôt son absence d'histoire qu'il essaye de combler.
Un très bon Modiano !
Une longue quête via une introspection mémorielle 9 étoiles

Patrick Modiano recycle une nouvelle fois ses ingrédients fétiche pour construire une longue quête, à la recherche d'une femme rencontrée par hasard, celui d'un "accident nocturne" ; et c'est là que les vestiges de la mémoire, des oublis, de l'amnésie partielle, des souvenirs lointains, de l'enfance incluse, remontent à la surface, dans une fin précise, un objectif obsessionnel, donc presque irrationnel. Le moindre détail est analysé, ravivé à dessein. L'ambiance de mystère dans une série de quartiers et lieux symptomatiques de Paris vient baigner une nouvelle fois l'oeuvre de cet auteur, dans cet univers dont il a le secret.
Rien n'est jamais comme avant, comme dans les souvenirs, rien ne se déroule comme on l'escompte, le résultat semble se dérober dès qu'il paraît proche, et finit par éclore, à sa manière.
Ce roman est une belle réussite, le suspense est bien traité, l'environnement de mystère tient bien en haleine. Même si l'aspect familier, voire éculé, de ces éléments si souvent réitérés dans les romans de cet auteur, la trame, la dynamique de celui-ci tranche avec une narration, une action plus molle de ceux moins bien réussis. Celui-ci est porteur de quelque chose, cohérent et bien conçu, dans une atmosphère que j'aime, qui peut plaire à tous les nostalgiques et les amateurs de Paris, comme moi.

Veneziano - Paris - 46 ans - 8 décembre 2013


Mémoire et souvenirs 5 étoiles

L'aspect plutôt intéressant de ce roman est à mon sens la réflexion sur comment la mémoire conserve les souvenirs et comment ces derniers rejaillissent à la surface à certaines occasions mais souvent dans une grande confusion.
Mis à part cet aspect, je dois reconnaître que je ne suis pas emballé par la lecture de mon premier Modiano. Le style est agréable et fluide mais le récit est vraiment beaucoup trop décousu, trop vague voire parfois confus et, même si c'est une volonté de l'auteur, cela m'a gêné. L'histoire en elle-même ne m'a pas non plus beaucoup intéressé.

Cyrus - Courbevoie - 47 ans - 14 mai 2009


Modiano copie Modiano 4 étoiles

Je suis une grande fan de Modiano (Villa triste, Carnet de famille, Quartier perdu, Dora Bruder, Rue des boutiques obscures...) et j'achète chacun de ses livres. Cependant, celui-ci m'a beaucoup déçu. J'ai eu l'impression de lire une pâle copie de Modiano par quelqu'un qui ne serait pas Modiano... Je me suis ennuyée du début à la fin et ne l'ai pas du tout trouvé intéressant. C'est vrai, je ne suis pas entrée dans ce livre... Avis donc à ceux qui ne connaissent pas encore l'auteur : ne commencez pas par celui-ci ! Il vaut mille fois mieux !

Pistil - - 50 ans - 15 janvier 2006


Le charme de Modiano 9 étoiles

Je découvre Modiano avec ce livre et je suis sous le charme. Dès les premières pages, j'ai su que j'avais sous la main le livre d'un écrivain de talent. J'y ai plongé avec délice et me suis laissée emporter par l'atmosphère de mystère et la solitude nostalgique qui imprègnent chaque page de ce roman. J'ai éprouvé beaucoup de compassion pour le narrateur au prise avec les fantômes du passé et la complexité du présent. Sa quête est fascinante et Modiano nous tient sous le charme du début à la fin du récit. La fin... oui, j'ai bien aimé la fin qui peut paraître banale à première vue mais qui contient une belle réflexion sur la vie et la façon de l'aborder. Et toute l'atmosphère de mystère qui règne... les rues noires et vides, le chien noir resurgi du passé, la mystérieuse Jacqueline Beausergent... vraiment j'ai lu avec avidité et j'en redemande...

Dirlandaise - Québec - 68 ans - 19 décembre 2005


Accident nocture 1 étoiles

Je suis pourtant bon public mais je me suis ennuyée du début à la fin (chose rare). Premier livre que je lis de cet auteur, grande déception. Néanmoins, je lirai un autre ouvrage de Modiano... par curiosité et en croisant les doigts.

Bleue - - 54 ans - 15 août 2005


L'éternel retour 8 étoiles

Une nuit, un accident : une fracture dans la vie du narrateur, il y a désormais un avant et un après. Et puis la rencontre avec la conductrice de la voiture couleur vert d'eau, Jacqueline Beausergent, et un brun massif, inconnu... Hôpital, errance, souvenirs d'adolescence, du père, etc...

"Accident nocturne" trace à nouveau la quête d'une harmonie perdue. Le narrateur va courir les rues de Paris pour retrouver cette Jacqueline Beausergent. Et au cours de cette investigation, il part aussi sur les traces d'une Hélène Navachine, d'une Geneviève Dalame, d'un docteur Bouvière.

C'est confus, c'est un puzzle morcelé qui s'imbrique progressivement. Le résultat est vague et alambiqué. Les mots de Modiano sont autant de résonances répétitives, ici s'ajoutent la perte de mémoire, la confusion des souvenirs et des sentiments. Ce n'est pas le meilleur de l'auteur, qui parfois semble s'emmêler les pinceaux, mais cela reste une lecture classique, digne de nous pondre des perles comme "un fond solide sous les sables mouvants".

Clarabel - - 47 ans - 19 mai 2005


Bribes du passé 7 étoiles

Moi non plus je ne peux pas comparer car c'est le premier Modiano que je lis.
Ce qui m'a surprise, c'est que lorsque je l'ai eu terminé, j'ai repris le livre au commencement et j'ai relu les 30 premières pages. Et encore, je me suis mis le hola, sinon peut-être l'aurais-je relu entièrement...

Ce n'est pas une histoire passionnante, mais le style de l'écrivain joue beaucoup dans la facilité de lecture. Agréable et (malheureusement) très vite lu.

Kreen78 - Limours - 45 ans - 10 mai 2005


Correct 7 étoiles

Mon premier Modiano, donc je ne peux pas comparer. C’est très séduisant en effet, cette manière de nous faire errer dans la mémoire du narrateur, au gré de lieux et de personnages énigmatiques qui alimentent le mystère. Mais à la fin, la résolution tant attendue, qui aurait pu ancrer ce monde flottant, est cruellement absente et enlève beaucoup de lustre à ce voyage intérieur pourtant fascinant.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 22 février 2005


Impressionnant! 10 étoiles

Trente-cinq ans après la parution de son premier roman, Modiano fascine toujours autant ses lecteurs, bien qu'il écrive, au fond, toujours le même livre. Plus optimiste que ses autres livres, ce roman est une vraie merveille!

Palorel - - 43 ans - 9 janvier 2005


errances dans nos mémoires.. 8 étoiles

Dès la première page, l'auteur m'a propulsé dans son imaginaire tout en flous de la mémoire, de la géographie, du temps, etc..
Il est vrai qu'avec le temps, il nous arrive parfois de croire rencontrer des hommes et des femmes faisant partie de notre traversée de la vie, mais dans la confusion, comme dans les rêves.
Souvent ces rencontres provoquent des situations cocasses ou absurdes parce différents éléments de temps et de lieux sont mêlés dans l'incohérence.
Qui n'a pas remis en scène certains épisodes heureux ou malheureux?Quel est celui qui n'a fait revivre par l'image, par la voix, par l'odeur, des êtres disparus? J'aime la ténacité du personnage à la recherche du sens de ce qu'il vit ou a vécu.
Patric Modiano nous fait sans doute explorer à chaque fois le même monde, mais l'on en redemande pourvu qu'il nous enchante ou incite à faire de même.

Donatien - vilvorde - 81 ans - 9 septembre 2004


Une escale sur le chemin de l'errance 6 étoiles

Ce qui m'a frappée dans ce récit, c'est le calme relatif avec lequel Modiano évoque cet accident qui blesse le narrateur à la jambe, le conduit à l'hôpital en compagnie de la conductrice blessée au visage, qui a disparu à son réveil, lui laissant quelques billets en guise de souvenir et de pardon. Pas de colère ou de rancune, loin de là, cet accident sonne comme une révélation, un bouleversement bénéfique dans une vie désoeuvrée, le choc qui lui permet de prendre un nouveau départ dans la vie. Belle façon de positiver ce qui, chez d'autres, aurait fait les choux gras sur des pages de faits divers.
Modiano part à la recherche de Jacqueline de Beausergent, pas uniquement pour la remercier, mais aussi pour évoluer davantage dans son chemin de vie qui se dessine aujourd'hui à travers ses errances.
Encore une histoire de recherche et d'errance pourrait-on dire. Oui, c'est vrai, mais c'est ainsi que l'auteur se trouve, qu'il se construit, qu'il se découvre et ça se fait par étapes, lentement, ce qui nous permet d'avancer en même temps que lui et d'apprendre à le connaître davantage à chaque bouquin. La fin est belle, ce sont des retrouvailles, mais elle ouvre la voie à une continuation. Jacqueline de Beausergent est là, mais cela règle-t-il vraiment tous les problèmes, toutes les questions ont-elles trouvé leurs réponses? Non. Ce qui signifie qu'une autre errance prendra bientôt place. A l'image de celle du "spectateur nocturne", par lequel Modiano a expliqué à la presse qu'il évoque Restif de la Bretonne et ses promenades de quartier en quartier racontées dans "Les Nuits de Paris".

On sent que Modiano a encore des noeuds à défaire, en particulier avec son père, qui l'a fait embarquer par la police.
"Vous jugez-vous comme un bon fils ?
- Je n'ai jamais été un fils" (page 117).
A une question de Jérôme Garcin pour le Nouvel Obs' (02-10-2003) lui demandant pourquoi il éparpillait les souvenirs sur son père et ne regroupait pas le tout sous la forme d'un livre, Patrick Modiano a répondu : "La scène du panier à salade passerait pour banale dans un livre de souvenirs, c'est la fiction qui lui donne son sens. Et puis si mon père est présent ici et là, c'est que je ne cesse de recoller des morceaux à la réalité et que sans doute, je n'arrive toujours pas à l'aborder de face, frontalement. Je tourne autour de lui, j'écris en rond."

Sahkti - Genève - 49 ans - 28 avril 2004


Accident nocturne et Modiano 8 étoiles

Modiano est un homme blessé pour qui se pose de manière lancinante la question de son passé, de sa mémoire. Ses romans et ses personnages reflètent tous cette quête de manière plus ou moins autobiographique (par exemple, le père du narrateur, comme celui de Modiano, est un homme d'affaires dont les occupations ne sont pas connues). Ici ces blessures intérieures semblent symbolisées souvent par des plaies bien physiques: la cicatrice à la joue de la femme de l'accident de camionnette, la blessure à la main d'Hélène Navachine, les cicatrices au poignet de Genevièvre Dalame et au front de J.Beausergent. Des indices font ressurgir des images du passé, mais disparaissent (le chien noir qu'il suit et qui disparait mystérieusement; le passeport périmé dont la date de naissance est trafiquée...) semblable en cela à notre mémoire qui erre si souvent et se trompe.
Cette recherche se passe dans un Paris souvent nocturne et fantomatique dans lequel brillent ça et là les lumières de bistrots ou d'hôtels rappelant un peu un tableau, "Le café, le soir", l'un des nocturnes de Van Gogh.
Modiano se répète-il? ou plutôt creuse-t-il inlassablement le même sillon, semblable en cela à bien d'autres écrivains, et non des moindres? Et n'avons-nous pas tous, nous retournant sur notre vie et notre passé, des zones d'ombre, de questionnements (même si moins tragiques)?

Janotusdebragmardo - - 67 ans - 18 avril 2004


Visite de Paris, un peu coûteuse... 5 étoiles

Une histoire contée à travers le voile brumeux du non-souvenir. Le Graal de sa propre vie s'impose comme un obsession récurrente, néanmoins inatteignable. Mais cependant, puisqu'il faut mettre un terme même au néant, description de retrouvailles téléphonées pour déboucher sur une fin pluvieuse et cafardeuse.
Seule l'ambiance énigmatique oserait l'audace d'inciter le lecteur à s'enfoncer au fil des pages. L'attente n'est néanmoins pas trop longue, il est trop inconfortable de tricoter un pull avec une toile d'araignée...
La mienne s'est baladée 148 pages durant sur le plafond de mon intérêt : séduisant a priori, figé en fin de compte.

Lézard - Genval - 39 ans - 15 mars 2004


déception 4 étoiles

Ce Modiano là m'a déçue. J'ai tellement aimé "Villa Triste", "Dora Brudder", que j'ai trouvé que ce roman était un ersatz, qu'il n'était qu'une pâle copie des autres. Je l'ai lu sans grand plaisir, alors que j'aime beaucoup cet auteur.

Virginie - - 62 ans - 5 mars 2004


La vie kaléidoscope. 9 étoiles

Le vingtième roman de Modiano. Deux au Seuil, dix-huit chez Gallimard. Je les ai tous lus et découvre toujours avec une émotion particulière le dernier de la série. Comme cet «Accident nocturne» découvert aujourd’hui, un dimanche soir, dans la torpeur de décembre, l’un de ces dimanches soirs dont Modiano dit qu’ils «nous laissent de drôles de souvenirs, comme de petites parenthèses de néant dans notre vie». Cela fait pas mal de temps que je considère que notre vie tout entière est une parenthèse dans le néant. Et peut-être qu’un bon livre, même s’il ne nous livre qu’une fiction, nous aide à échapper pour un temps au néant. Me souviendrai-je un jour que j’ai lu cet «Accident nocturne» un dimanche de décembre en écoutant en boucle un CD de Charlie Parker ? Cette critique pourrait m’y aider. Une trace, un caillou blanc, un peu plus durable qu’un flocon de neige…

Le narrateur est arrivé, comme moi, «à l’âge où la vie se referme peu à peu sur elle-même». Et l’accident va éveiller en lui un très ancien souvenir, tendre un fil à travers les années, car «la vie est un éternel retour». Quel secret porte-t-il en lui ? Quel passé trouble soudain remué par cette vieille qui l’agresse en pleine rue, cette mauvaise comédienne, cette épave «aussi lourde que mes souvenirs d’enfance», dira-t-il ? Une dimension psychanalytique, en somme : retrouver, suite à un choc, la trace d’un choc plus ancien, d’une «scène initiale». Une dimension psychanalytique tournée en dérision, d’ailleurs, à travers cet énigmatique docteur Bouvière, côtoyé un moment par le narrateur et surtout fréquenté par une petite cour de fidèles ou de zélotes, ce maître à penser à cravate rose dans lequel on n’a aucune peine à reconnaître une caricature de Jacques Lacan.
Oui, le narrateur cache un secret au fond de lui, et se le cache peut-être à lui-même, comme nous tous. Et «les hommes meurent avec leur secret». Un secret qui, parfois, voudrait sortir, peut-être, en certaines circonstances, à certaines heures, en certains lieux : «on peut glisser à certaines heures de la nuit dans un monde parallèle». Dans certaines rues de Paris, portes de la quatrième dimension, devant certains «visages surpris un instant et qui brilleront dans votre mémoire d’un scintillement d’étoile lointaine, avant de s’éteindre le jour de votre mort, sans avoir livré leur secret.» Tout est là, toute la vérité s’offre à nous qui ne savons pas la saisir, et «l’oubli finit par ronger des pans entiers de notre vie.»
Et nous errons dans notre vie comme ces personnages de Modiano à travers les mystères de Paris, sans savoir si nous sommes les jouets du hasard ou du destin. Et nous savons au fond de nous que «le hasard ne produit qu’un nombre assez limité de rencontres. Les mêmes situations, les mêmes visages reviennent, et l’on dirait les fragments de verre coloriés des kaléidoscopes, avec ce jeu de miroirs qui donne l’illusion que les combinaisons peuvent varier jusqu’à l’infini. Mais elles sont plutôt limitées, les combinaisons.»

Les romanciers l’ont compris. Les romanciers comme Modiano savent que les combinaisons sont singulièrement limitées. Leur art consiste alors à faire naître malgré tout, de situations usées jusqu’à la corde, le petit frisson, le fugace émoi, la brève émotion que nous cherchons dans la lecture pour échapper, un peu, au Temps…


Lucien - - 68 ans - 14 décembre 2003


Un bon Modiano mais rien de nouveau 8 étoiles

A nouveau la perpétuelle errance de Modiano, ce chemin sans but, perdu au milieu d'une ville de solitude, de réminiscences floues, de passés brisés et oubliés. Modiano est un des plus grands écrivains français actuels, il faut le lire absolument et ce livre est effectivement, comme le dit Jules, une de ses réussites. Malgré tout, comme on le lui reproche souvent, il écrit véritablement toujours le même livre et je fais partie de ceux que cela commence à lasser. C'est le 7ème Modiano que je lis
et j’attends encore quelque chose de plus de ce grand auteur.

Tophiv - Reignier (Fr) - 48 ans - 17 novembre 2003


Etonnant ! 9 étoiles

Je ne connais pas du tout le livre français dont tu me parles et duquel Harrison se serait inspiré. Ce n'est pas impossible. A ce propos, il semblerait que "Un beau jour pour mourir" soit une phrase d'un roman de Welch.
Ce n'est pas tellement anormal que tu ne connaisses pas "Accident nocturne" puisqu'il n'est sorti qu'il y a un mois.

Jules - Bruxelles - 79 ans - 3 novembre 2003


en parlant de coïncidences 8 étoiles

Tiens, je ne connaissais pas ce Modiano, mais je vais peut-être m'y coller, histoire de me faire une opinion... Il est possible qu'il ait lu le roman de Welch, why not ? ça me rappelle justement que j'ai nourri quelques soupçons envers Jim Harrison (oui, j'ai osé !). Jules, tu as lu "C'est un beau jour pour mourir", et bien c'est en gros (mais alors en très très gros) le sujet du célèbre roman d'Edward Abbey, Ne meurs pas, ô mon désert. je suis persuadée que le grand Jim s'en est inspité, mais, comme tu le dis pour Modiano, le style et l'ampleur de Harrison sont tels qu'il s'est "approrié" l'histoire pour y apposer sa griffe. Je ne me permettrais donc pas de l'accuser de plagiat.

Folfaerie - - 55 ans - 3 novembre 2003


Coïncidences 9 étoiles

Dans "Accident nocturne" , publié en septembre 2003, Modiano a fait de son narrateur un homme qui n'a pas connu sa mère, que son père a vaguement éduqué un temps avant que d'appeler la police pour le faire partir. Ce narrateur n' a que des flash du temps passé et est convaincu qu'il n'aura de futur que s'il arrivait à le reconstruire. "Il est à côté de ses chaussures"...
Quinze jours plus tard, je lis "La mort de Jim Loney" de James Welch, publié en anglais en 1979 et traduit en 1993. J'y trouve un héros qui n'a pas connu sa mère, que son père a abandonné quand il avait dix ans et qui, lui aussi, n'a que des flashs de sa vie de jeune. Lui aussi fout sa vie présente en l'air parce qu'il veut à tout prix recomposé sa vie d'enfant. Il est aussi "à côté de ses chaussures"
Bon, Jim Loney, en plus, est métis et n'a jamais quitté son Montana, mais quand même !...
Je ne peux penser à un plagiat tant "Accident nocturne" est un véritable Modiano dans son écriture et même son inspiration. Mais cette coïncidence est quand-même incroyable !... L'inspiration est une chose étonnante et il est évident que cette histoire a bien dû arriver à plus d'une personne. Mais que pourraient dire les mauvaises langues !...

Jules - Bruxelles - 79 ans - 3 novembre 2003