Oublier la France, confession d'un Algérien de Achour Ouamara

Oublier la France, confession d'un Algérien de Achour Ouamara

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Sciences humaines et exactes => Essais

Critiqué par Débézed, le 19 juillet 2014 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
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Le bouc émissaire

Dans cet essai sur l’avenir du Maghreb et plus précisément de l’Algérie, écrit en 1997, bien avant tous les événements qui ont affecté la région au cours des dernières années, Achour Ouamara s’adresse à ses concitoyens en leur demandant de ne pas focaliser leur haine, leur désespoir et leur énergie contre la France mais de sortir de cette spirale dans laquelle on les a enfermés pour appréhender les vraies raisons de la faillite de la démocratie dans les pays maghrébins. La France, «nous l’avons vaincue, mais toutes nos remontrances à son égard nous dessinent un visage de vaincus».

L’auteur, professeur en France, tient à préciser qu’il n’est en rien de collusion avec sa nation d‘adoption, il ne veut la voir que sous la face noire des Déroulède, Drumont, Gobineau, Touvier et Le Pen, il veut oublier celle de Voltaire, Jaurès, Moulin, Jeanson et de l’abbé Pierre ». « Présomptueuse, s’il en est, de vrai, la France s’est toujours enorgueillie d’être un exemple et un modèle pour tous les pays du monde, qui – et elle en est convaincue - ne peuvent se passer de ses Lumières ». Il ne peut plus supporter le devoir que la France croit avoir de porter le monde sur ses épaules et de donner des leçons à l’univers entiers.

Mais si la France a des torts immenses, elle n’est pas la seule à être débitrice envers le Maghreb et peu s’en souviennent, « … la France accabla tant nos paysans d’impôts qu’ils moururent …. dans le dénuement total. Mais, n’a-t-on jamais disserté sur le joug turc qui ravagea ces mêmes paysans d’impôts pour nourrir les harems de Constantinople ? Nullement ! » Et nombreux sont ceux qui ne pardonnent jamais rien à la France, qui stigmatisent le moindre lapsus, le plus infime dérapage, comme s’il fallait sans cesse nourrir l’accusation pour conserver « l’offense coloniale tel un butin inépuisable ». Les pouvoirs totalitaires ne manquent jamais l’occasion de souffler sur les braises du feu de cette rancœur, « ainsi la dette de la France nous affranchit de nos faiblesse ».

L’auteur se dit athée mais cependant défenseur de l’islam dès qu’il est mis en cause, il reconnait que cette religion est omniprésente dans la vie de ses adeptes et qu’elle est invoquée pour résoudre tous les problèmes de l’existence comme si les sourates cachaient au creux de leurs mots tous les secrets de la vie et de la mort, de ce monde et de celui qu’elle promet. Mais, il faut bien prendre garde à séparer la religion de l’usage qu’on en fait et des attributs dont on l’affuble. « C’est pourquoi la critique de la religion doit être indépendante de sa Loi. L’islam est à confronter non à la lettre des versets, mais aux pratiques politiques qui s’en prévalent ». Il n’y a pas deux islams, l’un tolérant, l’autre intégriste, il n’y a qu’un dogme et des interprétations différentes selon l’usage qu’on veut faire de cette religion. Ainsi, Il y a deux mondes, le monde arabo-musulman qu’il faut défendre quelle que soit la situation et l’autre monde qui peut subir toutes les misères et avanies, le monde arabo-musulman s’en préoccupe comme d’une guigne, seule la sphère arabe musulmane semble avoir une existence pour les ressortissants de cet espace.

L’Algérie arabo-musulmane a renié son passé berbère en invoquant la démocratie à la mode moscovite et, après la faillite du système communiste, l’islam des conquérants, effaçant sans regret tout un pan de l’histoire du Maghreb, une culture originale et une langue originelle. Les dictateurs ont vendu leur histoire et leurs valeurs pour asseoir leur totalitarisme et s’accaparer les richesses du pays. « Le mépris de la langue berbère et la soumission de la femme à l’infâme code de la famille forment les deux mamelles du déficit démocratique en Algérie ». Le sort des émigrés n’est pas plus enviable, « … si la France accueille mal les émigrés, leur pays d’origine invente tous les écueils possibles pour décourager leur retour définitif ».

Aujourd’hui, le panarabisme semble bien mort, les conflits inter arabes ont proliféré, « la fantomatique galaxie arabe entame son irrémédiable implosion » ; il est temps pour les Maghrébins de regarder leur passé avec lucidité et recul pour construire un vrai avenir pour les pays d’Afrique du Nord. Mais depuis que Ouamara a écrit ce texte une grande vague est passée sur cette région en déposant des sédiments qui ne sont pas tous favorables à la germination de la démocratie et de la tolérance religieuse.
« Où sont la hargne d’un Kateb, l’incision d’un Djaout, la sagesse d’un Mammeri ? » et que penserait la grande Taos de ce texte d’un écrivain kabyle comme elle ? Elle abonderait, je crois, elle se désespérait sur le sort réservé aux femmes, à la culture berbère et à ceux qui pensent et prient différemment et elle lutterait à sa façon avec de mots et de la musique.

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