Le dernier souper et autres nouvelles
de Shūsaku Endō

critiqué par Kinbote, le 8 octobre 2003
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Sur les rives de l'horreur
Trois nouvelles de l’écrivain catholique japonais pour nous le faire découvrir et aimer. Son style se caractérise par une extrême simplicité de la phrase, ce qui n'empêche pas les nouvelles d'être très construites, par l’introduction
par exemple d’un second thème en parallèle du premier, et leur lecture d'atteindre de proche en proche à une rare intensité d’émotion.
Dans la première, Les ombres, le narrateur revoit un prêtre qui a beaucoup compté dans la vie de sa mère et de la sienne. Il lui adresse une lettre pour rapporter tout ce qu’il n'a pas su lui dire lors de leur rencontre manquée. Dans « Le retour », un fils doit faire exhumer les ossements de sa mère pour les placer dans une urne où elle figurera dans un tombeau avec les restes de son frère.
Dans « Le dernier souper », un psychiatre entreprend de guérir un alcoolique par les effets de son art ; il découvre qu'à l'origine de la dérive de cet homme se love un terrible secret. L'air de ne pas y toucher, Endô nous entraîne loin dans les tréfonds de l'âme humaine.
En le faisant par petites touches, il nous enlève toute crainte d'aborder ses rivages horrifiants ou douloureux. Et on lui sait gré de cette pudeur et de cette compassion qu'on ressent à le lire.
Ces nouvelles sont tirées de « Une femme nommée Shizu », critiqué sur ce site.
Un japonais fortement marqué par son éducation catholique 7 étoiles

Des trois nouvelles de Shûsaku Endo qui composent ce petit recueil d'une centaine de pages, seule la dernière, éponyme, Le dernier souper mérite vraiment le détour.
Les deux premières évoquent les tourments de la foi catholique dans ce Japon où les chrétiens n'étaient pas toujours bien vus, particulièrement pendant les années sombres du nationalisme nippon.
Ce qui donne quelques pages au charme exotique délicieusement inversé pour notre regard occidental.

[...] La guerre avait déjà éclaté en Chine mais la situation n'était pas encore trop tendue pour les catholiques japonais. Ils pouvaient faire sonner bruyamment les cloches, toute la nuit de Noël et le jour de Pâques. L'entrée de l'église était décorée de fleurs, et nous n'étions pas peu fiers quand les gamins du quartier regardaient avec envie les fillettes, la tête couverte d'un voile blanc comme les jeunes filles étrangères.

Mais c'est donc la troisième nouvelle qui mérite surtout d'y investir 2 euros (oui, c'est le prix du bouquin !).
Une nouvelle très "japonaise" où il est question des souffrances d'un homme hanté par un terrible souvenir de guerre.

[...] Bientôt, on remarqua que certains membres d'un bataillon qui s'était joint à eux, en cours de chemin, mangeaient en cachette de la nourriture. Ils leur racontaient qu'il s'agissait de viande de lézard séchée, alors qu'il n'était pas si aisé d'attraper ces animaux. Tsukada et Minamikawa se doutaient vaguement de quoi il retournait, cependant ils craignaient de l'avouer à voix haute car la guerre avait déjà fortement ébranlé les nerfs de tout le monde.

Voilà bien un extrait pour vous mettre ... l'eau à la bouche !
Mais en réalité, cet événement dramatique n'est encore, pour Shûsaku Endo, qu'un prétexte pour exorciser ses démons : péché, rachat, souffrance, ...
Décidément, cet auteur aura été fortement marqué par son éducation catholique.

BMR & MAM - Paris - 64 ans - 8 août 2007


Questionnement Pathétique 5 étoiles

Le catholique Japonais Endo nous entraîne dans un questionnement pathétique et introspectif sur la place de la foi catholique, de la souffrance et du péché dans le Japon moderne mais attaché à ses traditions.

Le recueil le dernier souper rassemble trois nouvelles centrées sur les thèmes du péché, du rachat et de la souffrance sur une note fortement pathétique qui nuit à la qualité du questionnement. Ainsi le dernier souper qui aborde le thème tabou de l'anthropophagie, de son oubli et de son rachat s'achève par un épilogue mélodramatique d'une double confession d'anthropophagie. De même, les ombres est formé d'une lettre à la tonalité autobiographique qui s'enfonce parfois dans une sentimentalité incompréhensible. La trame même de la lettre est difficile à saisir et on ne sait si Endo blâme ou comprend son ancien mentor, ancien père catholique maintenant défroqué et marié à une Japonaise. Le retour semble par sa brièveté échapper un peu au débordement pathétique et aborde plus sereinement mais plutôt superficiellement le besoin irrépressible de l'homme ou des animaux de retourner dans leur patrie, là d'où ils se sont toujours sentis, preuve que les questionnements d'Endo ont une portée éthique et tragique véritable et touchante quand, comme dans le retour ou dans la plus grande partie du dernier souper , elle est purifiée de tout sentimentalisme

Banco - Cergy - 41 ans - 10 août 2004