Diagnostics
de Diego Agrimbau (Scénario), Lucas Varela (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 27 juin 2014
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Remue-méninges
Agnosie, synesthésie, akinétopsie, prosopagnosie, aphasie, claustrophobie. Sous ces six termes un peu barbares, dont seul le dernier vous est sans doute familier, se cachent d’étranges désordres neurologiques. Les auteurs ont eu cette idée originale de consacrer une mini-histoire à chacun d’entre eux, s’emparant de ces pathologies pour les transcender, les pousser vers des terres inconnues et parfois inquiétantes, où la réalité tangue sous les assauts de visions ou de sons déformés.

Voilà un album qui prouve de belle façon que l’Europe, les USA et le Japon ne sont pas les seuls foyers du 9ème art dans le monde. En effet, l’Argentine est une pépinière de dessinateurs depuis très longtemps, et on le sent bien à la lecture de ces petites histoires extrêmement modernes et créatives, dignes d’un délire oubapien. Des histoires qui se rapprochent beaucoup du travail de Marc-Antoine Mathieu, explorateur multidimensionnel ludique et génial.

A l’aide de sa plume ronde et rassurante orientée ligne claire et d’une bichromie sobre, Lucas Valera, assisté de Diego Agrimbau, imagine des univers paradoxalement inquiétants, oniriques ou fantastiques. Tout ce qui peut sembler familier au départ devient rapidement anxiogène et vire au cauchemar hallucinatoire. On pense notamment aux ambiances proprettes des vieilles séries SF comme La Cinquième dimension. A cet égard, le dessinateur semble affectionner les sphères de la folie, comme on avait pu le voir avec L’Héritage du colonel, récit névrotique et glaçant sur le fils d’un tortionnaire de la dictature argentine.

Ces historiettes sont globalement toutes d’un très bon niveau. Je mets une mention spéciale à Aphasie, épatant d’inventivité, avec le monologue intérieur du personnage principal incrusté sur les objets figurant dans le cadre. Mes faveurs vont également à Agnosie, délire surréaliste magrittien ; Claustrophobie, d’où l’on ne serait pas étonné de voir surgir Corentin Acquefacques ; Synesthésie , en mode polar à la fin inattendue, et enfin la dernière clôturant l’album, Prosopagnosie, digne, quitte à me répéter, du meilleur de Twilight Zone. Ce qui au final fait tout de même cinq histoires sur six…