Ariel ou la vie de Shelley
de André Maurois

critiqué par Martin1, le 17 juin 2014
(Chavagnes-en-Paillers (Vendée) - - ans)


La note:  étoiles
La vie de Percy Bysshe Shelley
Les romantiques anglais ont bien mauvaise réputation : et pourtant ils ont su élever la langue de Shakespeare vers une perfection ineffable.
Maurois nous raconte ici la vie de l'un d'entre eux : Shelley.

Percy Shelley était, outre un poète de génie, un écrivain politique en conflit public avec son temps. Il méprisait les petits curés de campagne qui lui tapaient sur les doigts dans son école à peu près autant qu'il admirait les grands philosophes français que l'on appelle Lumières : Diderot, Voltaire, Rousseau...
Il se marie avec Harriet Westbrook, une ravissante mais modeste dulcinée qui n'a d'yeux que pour lui et son génie. Mais au fil des mois, Harriet, ayant fait étalage de toute son instruction, s'avère une créature peu subtile, une élève agréable et avide, mais aux capacités de réflexion assez limitées. Assurément, elle ne mérite pas un homme comme Shelley : c'est ce qu'on cancane dans ces salons à mi-chemin entre le mondain et l'intellectuel.
Shelley, après sa rencontre coup-de-foudre avec Mary - oui, c'est bien elle, l'auteur brillante de Frankenstein - s'enfuit avec elle en France et abandonne sa femme à qui il avait donné un enfant.
Plus tard, on retrouvera le corps sans vie de Harriet, alors enceinte, échouée sur les rives du Serpentine Lake (Hyde Park, London).

Je ne peux vous raconter en entier l'histoire de Shelley. Elle est colorée, romantique, dramatique. Avant tout, elle est étonnement romanesque : depuis ses intrigues amoureuses à sa mort prématurée. Mais dans tous les cas, je peux vous dire que les émotions qu'elle a suscité en moi sont très fortes. Shelley m'a fait l'effet d'un adolescent qui, malgré son attitude vertueuse et réconciliatrice lors des avances de son ami Hogg envers Harriet, n'a, en fin de compte, pas compris grand-chose à l'amour. Il s'enfuit de manière grotesque avec Mary Woolstonecraft (cette femme qui était digne de lui) et, manquant d'argent, doit revenir à Londres quelques jours plus tard.
Je crois aussi que Shelley ne mesure pas l'étendue de la peine qu'il fait. Devant lui les femmes tombent comme des mouches et il le sait. Fanny, la soeur de Mary, puis Harriet se sont suicidées probablement à cause de ses fugues déraisonnables avec Mary, mais il refuse de s'en sentir coupable.
Shelley l'athée est cependant plus moral que lord Byron, qui se dit chrétien, mais qui apparaît comme étant l'incarnation même de l'être dépravé, tentateur et mondain, redoutablement intelligent et conscient de l'emprise qu'il exerce sur les autres. Proche de Shelley, les deux amis se brouilleront parce que l'immoralité de Byron est trop grand décalage avec les souffrances grandissantes de Shelley.

Comme tous les poètes romantiques, Shelley mourra jeune.

Les romantiques anglais sont comme cela. Trop beaux pour ne pas être narcissiques, trop prodigieux pour ne pas être égoïstes, ils sont coupables et veulent à tout prix se croire innocents. Ils séduisent les femmes et les font souffrir par leurs caprices amoureux. Leur intellect poétique porte en exaltation le moindre de leurs sentiments amoureux ! Le sens du devoir doit alors s'effacer...

Maurois est un biographe rigoureux qui nous fait vivre la vie de Shelley dans un souci du détail impressionnant. Oeuvre de romancier néanmoins, cette lecture fut un grand plaisir, rend le personnage de Shelley attachant tout en le présentant dans toute sa vérité. Ce livre, en outre, renforce l'intérêt que j'éprouve pour la poésie romantique anglaise et j'escompte bien la lire un jour.