L'Auberge des morts subites
de Félix Leclerc

critiqué par Libris québécis, le 15 juin 2014
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Le Ciel peut attendre
Il y a 51 ans, j’assistais à la création de cette pièce de théâtre de Félix Leclerc au Gésu à Montréal. En 2014, j’ai revu cette œuvre que l’on a rejouée pour commémorer le centième anniversaire de naissance de l’auteur décédé le 08/08/88. Malheureusement, après le premier entracte, le quart des spectateurs avaient quitté la salle.

Cette comédie est une réflexion sur notre attachement à la vie terrestre, mais surtout aux excès qui dénaturent notre passage sur la planète bleue. Trois hommes et une femme se retrouvent à la porte du paradis après leur mort subite. Pour être admis auprès de Dieu, ils doivent subir les affres du purgatoire pour se délester de leurs réflexes de terriens devant l’appât du gain, la concupiscence et de tout ce qui aiguise les sens, dont on profite à son unique avantage. Difficile d’oublier les plaisirs terrestres pour chanter la gloire de son Créateur alors que l’on a toujours joué à l’Andy Warhol. L’égo aussi vaste que le monde franchit difficilement la porte étroite du vrai bonheur qu’a décrit André Gide.

Le frère Amédée, le portier du paradis, tente de les soutenir dans ce passage de la purification avant de s’intégrer au corps céleste. Mais Belzébul travaille fort pour que la conversion des protagonistes reste lettre morte. La tentation est grande de retourner sur la terre où nous sommes soumis à plein de désavantages, comme payer son impôt entre autres. Tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir. Pourtant au ciel, nous sommes débarrassés de toutes les contingences qui réduisent notre liberté. Finalement, tout ce beau petit monde mourra-t-il à soi pour jouir de la présence de Dieu ?

En somme, le dramaturge attire notre attention sur une existence que nos faiblesses ont entachée de toute la laideur possible. Cette réflexion passe difficilement la rampe. Je l’ai notée au sortir de la salle à moins que les spectateurs eussent réfléchi à leurs vieux péchés ou aux plaisirs de commettre les prochains. Il faut être rompu à ce discours pour l’apprécier à sa juste valeur. Les fins dernières ne donnent pas les plus grands hits. Pourtant au cinéma, Le Ciel peut attendre de Warren Beatty avait connu un succès appuyé par un Oscar. La pièce de Félix Leclerc et le film de Warren Beatty couvrent la même réalité sous le même angle, soit celui du fantastique. Bref, L’Auberge des morts subites est une œuvre qui se défend bien.