La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy

La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Bolcho, le 26 septembre 2003 (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 75 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 9 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 288ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
Visites : 10 996  (depuis Novembre 2007)

« (.) c'est lourd un corps quand il n'y a plus personne dedans ».

Un père vit depuis toujours isolé avec ses deux enfants. Il meurt. Qu'advient-il des jeunes ? Ils vont devoir prendre contact avec le monde et leurs « semblables » sans y être vraiment préparés. C’est l’un de ces enfants qui raconte dans une langue un peu décalée, pleine d'humour et de surprises. A elle seule, elle vaut le détour cette langue ! Il faut dire que l'enfant narrateur s’est nourri de trois sources littéraires : les romans de chevalerie, les Mémoires de Saint-Simon et l'Ethique de Spinoza.
Une préface-présentation nous invite (un peu à la hussarde) à voir dans ce texte un conte métaphysique. Pourquoi pas ? Le père y devient le Père donc. Mais la lecture au premier degré est à conseiller aussi : ailleurs, un jour, des êtres isolés creusent leur sillon. Et, comme ils sont un peu hors du monde, leur regard est autre et leur étonnement finit par provoquer le nôtre : oui, le monde est étrange. N'est-ce pas un des rôles majeurs de la littérature ? Décrire les choses comme si on était les premiers à les voir. Il faut que le lecteur s’étonne, qu'il retrouve lui aussi son premier regard. Sinon, autant ne pas écrire. J’aime beaucoup ce livre (un peu moins la fin) et j’en dirai donc peu pour ne pas en gâcher la lecture. On y trouve cette phrase, écrite sans doute pour faire se pâmer d’aise tous les lecteurs de Critiques Libres : « Et nous lirons, nous lirons ! Jusqu'à tomber par terre d’ivresse, car après tout qu'importe qu’elles nous mentent, ces histoires, si elles ruissellent de clarté… »

Connectez vous pour ajouter ce livre dans une liste ou dans votre biblio.

Les éditions

  • La petite fille qui aimait trop les allumettes [Texte imprimé], roman Gaétan Soucy [présentation par Pierre Lepape]
    de Soucy, Gaétan Lepape, Pierre (Préfacier)
    Seuil / Points (Paris).
    ISBN : 9782020386715 ; 6,50 € ; 18/02/2000 ; 180 p. ; Poche
»Enregistrez-vous pour ajouter une édition

Les livres liés

Pas de série ou de livres liés.   Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série

Mitigé

4 étoiles

Critique de Florian1981 (, Inscrit le 22 octobre 2010, 42 ans) - 2 novembre 2010

Le début du livre est prometteur, mystérieux, presque onirique! Qui sont ces deux enfants livrés à eux mêmes après la mort de leur père? Mais alors la deuxième partie du livre vire à l'absurde voire au grotesque! Vraiment très déçu... Reste néanmoins le plaisir de la langue : quelques perles et quelques trouvailles savoureuses , ce qui réhausse un peu la note du livre

L'exception qui confirme la règle?

1 étoiles

Critique de Gabri (, Inscrite le 28 juillet 2006, 37 ans) - 16 août 2010

Je suis peut-être l’exception qui confirme la règle, mais j’ai carrément détesté ce livre que j’entends vanter depuis des années comme étant un des livres-culte de la littérature québécoise. Et j’ai détesté en bloc; le style trop embrouillé et compliqué, utilisé par ce personnage-enfant qui dégoûte bien malgré lui, pour raconter une histoire qui m’a carrément ennuyée lorsqu’elle ne me levait pas le cœur. Rien de positif, rien d’accrocheur, rien pour donner envie d’aller plus loin dans la lecture sauf la promesse d’être en train de lire un chef-d’œuvre… Mais sans en savoir plus, puisqu’il s’agit d’un de ces livres dont la réputation n’est plus à faire et qui peuvent se contenter d’une simple critique de journal précédée d’une énumération de prix remportés en guise quatrième de couverture. J’ai donc continué malgré l’ennui, continué encore en diagonale en attendant la révélation et en me disant qu’au mieux, je n’en avais plus pour longtemps. Mais la révélation n’est jamais venue, j’ai l’impression d’avoir perdu mon temps et même en restant très objective, je peine à comprendre ce qui fait de ce livre un « chef d’œuvre ». Des livres au langage unique, il y en a beaucoup, mais ailleurs l’histoire est servie par le langage et c’est l’impression contraire que ce livre m’a donné: pour le style que voulait l’auteur, il fallait une histoire qui allait avec. Cette histoire, je l’ai trouvée longue et dégoûtante, et en tant que lectrice moyenne, qui lit dans le métro et avant de se coucher, je n’ai pas apprécié le style. Et pour ceux qui seraient un peu comme moi, je suggère la trilogie d’Agota Kristof. Les mêmes thèmes, en plus intéressant…

Marqué par l'expérience

10 étoiles

Critique de Calepin (Québec, Inscrit le 11 décembre 2006, 42 ans) - 13 décembre 2007

Malgré un début difficile dû au style particulier de ce roman, c’est un livre qui se dévore d’un trait. Une fois les premières pages derrière moi, j’ai commencé à m’intéresser à l’histoire et surtout au vécu du narrateur principal, loufoque et terrible à la fois. Le jeu d’écriture qui m’apparaissait de prime abord comme un lourd exercice de style devient essentiel à la réalité du personnage, à sa vision de l’existence teintée par une ignorante candeur qui fait mal. Je me suis fait prendre dans les filets des doubles sens, des images au mordant acéré, tout cela presque à mon insu tant l’écriture, par ses longues tirades, nous emmène toujours un peu plus profondément dans l’horrible et tragique dévoilement de l’histoire.

Ce fut pour moi un livre marquant, tant par l’originalité de sa démarche que par l’étouffante étrangeté de ce récit. Un moment que je n’oublierai jamais.

Accrochez les ceintures !

10 étoiles

Critique de Cuné (, Inscrite le 16 février 2004, 56 ans) - 10 juillet 2007

Plus qu’un roman, c’est carrément une expérience littéraire. Histoire à étapes, où l’intrigue nous est révélée peu à peu jusqu’à atteindre son point culminant, particulièrement horrible, c’est surtout la plume incroyable de Gaëtan Soucy qui nous bluffe de page en page.
L’histoire débute par la mort du père, racontée par celui de ses deux fils qui prend en charge la narration (le secrétarien). Elevés totalement à l’écart du monde, il prend également sur lui de partir acheter un cercueil au village voisin, l’occasion de voir des « semblables », chose rarissime là où ils vivaient. Il en reviendra bredouille, du moins en ce qui concerne la « boite à trous »…
Notre narrateur a avec les mots une relation extrêmement particulière. Son éducation réalisée par les « dictionnaires », notamment Les mémoires de Saint-Simon ou L’éthique de Spinoza, couplée à une criante absence d’oralité de son minuscule entourage, l’ont amené à un langage qui sort, pour le moins, de l’ordinaire. Néologismes, mots pour un autre, à peu près & co offrent leurs saveurs déroutantes et suprêmement séduisantes, nous étourdissent et nous font passer du glauque à une pureté attendrissante.
Un roman mené tambour battant avec une verve jubilatoire.

La tyrannie

9 étoiles

Critique de Vigno (, Inscrit le 30 mai 2001, - ans) - 15 avril 2005

L’idée de choisir un narrateur naïf qui découvre la société n’est pas neuve. Habituellement, on choisit comme narrateur un enfant (Ducharme) ou un naïf (Candide) ou un « Bon Sauvage » (L’Ingénu) ou encore un adolescent qui découvre la vie : tous les romans d’apprentissage le font plus ou moins.

Soucy va plus loin : il choisit deux enfants sauvages : l’un n’a qu’une connaissance livresque (Moyen-Âge, Ancien régime) du monde, une compréhension mal assimilée mais une culture quand même : « Je fais confiance aux mots, qui finissent toujours par dire ce qu'ils ont à dire. Tournez cinq fois sur vous-même, les yeux fermés et, avant que de les rouvrir, un caillou que vous aurez lancé, vous ne saurez pas dans quelle direction il est parti, mais vous saurez qu'il aura bien fini par retomber sur terre. Ainsi sont les mots. Ils arrivent toujours, coûte que coûte, par se poser quelque part, et cela seul est important. » L’autre se tient loin des livres et au plus près de la nature, même dans le sens sexuel du terme.

Leur tyran étant décédé, tous eux doivent affronter la vie, user de cette énorme responsabilité qui leur tombe dessus sans crier gare, qu’on appelle aussi la liberté. Celui (c’est une femme, comme il se doit) des deux qui s'est nourri de culture s’en sort relativement bien : « On dirait des fois que je suis seule sur terre à l'aimer, moi, la vie. Mais quand on essaie d'aimer, tout devient compliqué, car peu de gens ont de cela la même imagination dans le chapeau. » Ou encore : « J'entends qu'une nouvelle existence pour moi, un printemps en plein automne va peut-être commencer, ce que je ne devrais jamais me laisser aller à faire tant c'est dangereux pour mon aplomb, qui est fragile, de rêver. L’autre, à l’instar du Père se forge une certaine religion, afin de mieux tyranniser ses semblables. Il finira, comme il se doit, criminel et menotté.

On peut faire dire bien des choses à ce roman. Quant à moi, j’y vois le triomphe de la culture sur la tyrannie.

Le Verbe comme salut du monde

10 étoiles

Critique de Libris québécis (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans) - 10 février 2005

Le Moyen-Âge connaît un regain de popularité auprès du lectorat. Quiconque écrit un roman sur le sujet est presque assuré de connaître le succès. Romans médiévaux, romans gothiques, peu importe l’expression employée, ces œuvres inondent les présentoirs des librairies. Certains y cherchent le côté merveilleux de cette époque marquée par la crédulité, d’autres y trouvent leur compte en satisfaisant leur besoin de connaissances, d’autres, enfin, tentent de pénétrer la philosophie qui a pétri les âmes assoiffées de transcendance.

En exploitant ce dernier aspect, Gaëtan Soucy a écrit une oeuvre qui outrepasse le premier degré de lecture, comme c’est le cas pour La Métamorphose de Kafka ou Les Fables de La Fontaine. L’auteur s’est inspiré de l’esprit d’une époque pour transposer ses préoccupations existentielles. En fait, il a concocté une longue nouvelle allégorique qui plonge les protagonistes dans un univers primaire où un veuf s’isole dans son domaine à la suite de la mort de sa femme. Incapable d’en assumer le deuil, il sombre dans les abysses de la démence. Ses enfants, laissés à eux-mêmes, sont obligés de se donner une éducation pour apprivoiser le monde à partir des rares livres qui traînent dans le manoir. La situation s’aggrave quand ils trouvent leur père pendu. C’est le canevas sur lequel Gaëtan Soucy brode un monde qui n’appartient qu’à ceux qui ont la maîtrise des mots. On comprend que, comme écrivain, il choisisse ce moyen pour assurer la rédemption de ses héros. En somme, la question qu’il pose est simple : comment assurer le salut de l’humanité?

L’auteur peaufine cette esquisse en calquant la philosophie de Spinoza. Son roman véhicule un message qui prône la libération par la connaissance à travers la servitude de deux adolescents soumis à leur père, mais aussi à leur ignorance. Ils doivent tout apprivoiser de l’existence. La mort d’abord, la féminité et l’amour ensuite. Il n’est pas facile de cheminer vers la liberté. Et cheminer vers la liberté, c’est aussi s’ouvrir aux autres.

L’emballage fort original de cette œuvre profonde cache plein de surprises. Dans son grimoire, l’un des jeunes confiera le quotidien de la famille avec la seule lettre L. C’est rempli de trouvailles qui font sourire ou qui émeuvent. Malgré la gravité du sujet, les protagonistes ont une tendance à la béatitude à l’instar du philosophe déjà mentionné. L’écriture tout imprégnée de l’esprit d’un temps ancien s’ajuste adéquatement à l’âge des enfants. Ceux qui sont familiers avec l’écriture de Rutebeuf et le Roman de Renart apprécieront les expressions de Gaëtan Soucy, expressions enrichies de québécismes. Cette œuvre sublime et exigeante peut nous faire faire des grimaces. Mais l’auteur affirme que l’« on ne montre pas à un vieux singe à faire de la philosophie ».

le secrétarien se laisse aller à écrire n'importe comment

6 étoiles

Critique de JeanBoucher (, Inscrit le 22 février 2004, 60 ans) - 26 avril 2004

Je m’étonne que ce livre ait reçu quelconque prix.
Ce n’est pas une lecture facile, les enfants possèdent leur propre langage, héritage de feu leur père, ce qui est à mon avis agaçant et ralentit la lecture.
Un livre où les dialogues sont à peu près inexistants.
Après la première partie, le livre est constitué de deux parties, je me suis demandé si j’allais terminer le livre. Car j’ai comme principe : Si je ne suis pas intéressé après 100 pages, je laisse tomber le livre...Il y a beaucoup trop de bons livres à lire, nul besoin de perdre mon temps avec les mauvais.
La raison pour laquelle j’ai terminé ce livre, c’est qu’il n'y avait que 180 pages.

Je suis quand même content d’avoir terminé le livre, car la deuxième partie est plus intéressante à mon avis. L’action est plus soutenue et l’on découvre enfin le pourquoi du titre du livre.

J’ai lu ce livre suite à une entrevue que l’auteur a donné à l’émission de Marie-France Bazzo -- Indicatif présent, à la radio de Radio-Canada. Ils y faisait mention que ce livre était en quelque sorte devenu un livre culte, ce qui piqua ma curiosité.

Loin d’un livre culte pour moi, à lire si vous n’avez rien d’autre sous la main. Si vous voulez lire de bon roman québécois, je vous conseille les livres de Jean-Jacques Pelletier.

jean boucher

Héritage étrange

6 étoiles

Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 54 ans) - 5 février 2004

Étonnant que ce roman puisse avoir remporté le prix du public du salon du livre de Montréal, car l'écriture y est austère, composée d'expressions rustiques et dénuée de beaucoup de dialogues.
On navigue dans un monde flou, s'accrochant à certaines phrases pour se situer. Le mérite de Soucy est d'avoir réussi à inventer ce style et cet univers totalement original et énigmatique. Mais, je ne peux m'empêcher de penser que l'écriture aurait gagnée à être plus sobre, afin de refléter avec plus de cohérence la voix du narrateur(trice)....

Forums: La petite fille qui aimait trop les allumettes