La laïcité falsifiée
de Jean Baubérot

critiqué par JulesRomans, le 7 juin 2014
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
Un livre écrit par un SDF (Sans Dogmatique Fixe)
Voici un ouvrage écrit par le "pape de la laïcité", en effet Jean Baubérot est professeur émérite spécialiste de la sociologie des religions et fondateur de la sociologie de la laïcité. Il est né le 26 juillet 1941 à Châteauponsac (Haute-Vienne), terre très laïque et il est d’origine protestante.

Nommé à la commission Stasi, chargée par Jacques Chirac de réfléchir à l’application du principe de la laïcité dans la république, Jean Baubérot est le seul qui ne vote pas l’interdiction du voile à l’école. Pour lui, «ce n’est pas le signe ou le vêtement qui est incompatible avec la laïcité, c’est le comportement, celui qui serait ostentatoire, prosélyte ou refusant des règles scolaires».

Il rappelle que deux jeunes musulmanes vinrent témoigner. La première avait un foulard, son audition fait l’objet de toutes les attentions d’une masse de journalistes. Lorsque la seconde arrive sans foulard, la quasi-totalité de la presse plie bagage, ce qui lui fait malicieusement dire: «Si j’avais su, je serais venue en burqua ». Jean Baubérot dit ne pas comprendre cette "obsession fascination contre-productive autour du voile islamique".
L’auteur, loin de se réjouir que l’Extrême-droite et une partie de la droite (dont Jean-François Copé) se revendique de la laïcité, estime que ce secteur ne fait qu’instrumentaliser des idées falsifiées pour médiatiser leur volonté de stigmatiser les musulmans.

Dans la postface, qui apporte un complément d’information sur la période 2012-mai 2014 où la gauche revient au pouvoir, on voit l’auteur citer Jean-Louis Bianco :

« La laïcité apparaît trop souvent, depuis une vingtaine d’années, comme un principe d’interdits et de restrictions aux libertés, ce qu’elle n’est pas » (page 218)

Dans cette phrase se reflète tout l’esprit du message que Jean Baubérot entend faire passer en s’appuyant sur les propos de pape de la loi de 1905, à savoir Aristide Briand originaire de la Bretagne méridionale. Il est à noter que Jean Baubérot exprime des craintes par rapport aux futures actions du nouveau Premier ministre Manuel Valls :

« cèdera-t-il à la tentation d’une politique socio-économique difficile, discutable, par une invocation incantatoire de la laïcité, justifiant des mesures répressives contre des boucs émissaires ? L’avenir nous le dira. Si c’était le cas, son action publique serait le contraire de celle de Jaurès qui, se rendant compte que la maximalisation du combat anticlérical s’effectuait aux dépens d’une politique sociale, a prôné, à partir de 1904, une pacification laïque pour, écrivait-il, que la "démocratie puisse se donner tout entière à l’œuvre immense et difficile de réforme sociale et de solidarité humaine". Ces propos et ses prises de position dans les débats pour faire de la loi de 1905 "une loi de liberté" (Aristide Briand) ont fait qualifier Jaurès de "bourgeois de Calais" capitulant devant le pape (…). Pourtant, sa laïcité restait une laïcité de combat, oui, de combat social, et de combat pour la liberté ». (pages 222-223)

Jean Baubérot n’a peut-être pas tort de craindre le pire (par rapport à la vision décrispante qu’il a lui-même de la laïcité) d’un Manuel Valls qui a proclame bien haut qu’entre Clemenceau et Jaurès, il préfère Clemenceau.

Jean Baubérot espère aussi que l’idée de laïcité puisse progresser dans les pays arabes qui ont connu récemment des changements de régime, l’on sait combien ce souhait a débouché sur peu de progrès en ce sens, voire même des régressions. Par ailleurs, et l’envolée récente de Jean-François Copé contre certains livres de littérature de jeunesse va dans ce sens, ceux qui protestent le plus contre la pression insupportable des idées islamistes au nom de la défense des acquis des droits des femmes et la laïcité :
« quand il est question d’aborder le thème de la construction sociale du genre dans les manuels de lycée, c’est la même droite populaire qui monte au créneau pour dire, entre autres stupidités, que l’on risquerait ainsi de favoriser "à terme la pédophilie, voire la zoophilie" ». (page 93)

Le discours tenu par Jean Baubérot est très loin de celui hommes de gauche qui devenus des ayatollahs de la laïcité refusent de donner à toutes les religions la parole dans l’espace public et renvoient les affaires de culte à une dimension uniquement privée. Il est en phase avec plutôt celui relativement nouveau de la Ligue de l’enseignement et n’a rien de commun avec celui tenu par la Libre pensée.