La Grande Guerre d'Apollinaire : Un poète combattant
de Annette Becker

critiqué par JulesRomans, le 6 juin 2014
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
Obus-Roi
"La grande Guerre d’Apollinaire" est un vaste commentaire composé par une historienne autour des écrits divers livrés par Apollinaire entre 1914 et 1918 : lettres essentiellement à la femme qu’il aime sur le moment (il y a plusieurs postulantes) et poèmes très majoritairement en rapport avec le conflit. La première édition de cet ouvrage a paru sous le titre "Apollinaire, une biographie de guerre" en 2009 .

Cette littérature de guerre, est toujours lyrique et selon les textes on trouve parfois une dimension érotique ou des notes humoristiques :

« Je pense à toi mon Lou ton cœur est ma caserne
Mes sens sont tes chevaux ton souvenir est ma luzerne
Le ciel est plein ce soir de sabres d'éperons
Les canonniers s'en vont dans l'ombre lourds et prompts
Mais près de toi je vois sans cesse ton image
Ta bouche est la blessure ardente du courage».

« As-tu connu Guy au galop
Du temps qu’il était militaire
As-tu connu Guy au galop
Du temps qu’il était artiflot
À la guerre ».

« Le ciel est étoilé par les obus des Boches
La forêt merveilleuse où je vis donne un bal
La mitrailleuse joue un air à triples-croches ».

Il s’agit d’une littérature de témoignage et le lecteur se voit éclairer, par une historienne universitaire des plus érudites sur la Première Guerre mondiale, du contexte culturel autour des mots choisis par Guillaume Apollinaire. Ceci est l’occasion de passer en revue la vie du poète à Paris sous la Belle Époque et durant toute la période de la Grande Guerre. Des informations intéressantes sont données sur l’attitude que prirent ses amis du monde des arts face au conflit.

Un très gros regret sur le contenu vient que l’universitaire Annette Becker ne se pose pas la question sur le fait qu’après avoir été refusé par la Légion, Apollinaire sujet russe d’origine polonaise ait pu s’engager dans un régiment français. En pratique un Russe vivant en France a le choix entre la Légion et les régiments russes servant en France. Pour avoir consulté le dossier militaire du poète aux archives de Vincennes, nous n’avons pu trouver la clé. Une réflexion dans un courrier à Lou, rapportée par Annette Becker, nous dit que les officiers le connaissaient comme poète. A-t-il laissé croire qu’il avait déjà la nationalité française ou a-t-il argumenté du fait que sa demande de naturalisation était ancienne et allait aboutir sous peu pour pouvoir s’engager?

C’est durant cette période que le poème se fait régulièrement dessin chez Apollinaire avec ses fameux calligrammes, notons qu'Apollinaire les a inventés en 1912. Trois femmes servent successivement de muse au poète et leurs caractères très opposés, leur réponse plus ou moins forte à l’amour que leur offre Apollinaire influence le contenu des textes qu’il livre dans ses poésies et dans son courrier :

« Si je songe à tes seins le Paraclet descend
Ô double colombe de ta poitrine ».

Le fait que fin novembre 1915, à sa demande Apollinaire ait quitté l'artillerie pour l'infanterie où l’on est bien plus exposé accélère la réponse positive à sa demande de naturalisation. Le 17 mars 1916, alors que dans la tranchée il était en train de lire Le Mercure, un éclat d'obus lui perce le crâne à travers le casque. Après avoir été trépané en mai 1916, commencent les mois de convalescence ; il est dans nos mémoires le blessé à la tête bandée immortalisé par Picasso.Toutefois affaibli, Apollinaire, a contracté la grippe espagnole et il décède deux jours avant la signature de l’Armistice. Ses nombreux amis l'accompagnent jusqu'au Père-Lachaise.

Pour faire découvrir à des jeunes? Apollinaire dans sa dimension en phase avec la Grande Guerre, on signale la sortie de "Calligrammes" chez Larousse ainsi que celle d'"Il y a" avec Laurent Corvaisier pour l’illustration. "Apollinaire, le poète combattant" sera associé à cet ouvrage "1914, Guillaume Apollinaire s'en va-t-en guerre" d’Yves Pinguilly (sélection de poèmes en lien direct avec la Première Guerre mondiale et introduction sur les années de guerre du poète). Par ailleurs Gallimard jeunesse avait sorti "Guillaume Apollinaire: petit bestiaire" dans la collection "Enfance en poésie".