Le surréalisme socialiste
de Gëzim Qëndro

critiqué par JulesRomans, le 23 juin 2014
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
« La poire mûrit en regardant l’autre poire » (proverbe albanais)
Avant de connaître le surréalisme socialiste l’Albanie naquit d’une situation surréaliste où l’on vit deux pays neutres (l’Italie et l’Autriche) lors de la Première Guerre balkanique imposer la création d’une Albanie indépendante à la Serbie pays vainqueur et à la Turquie pays battu. Ce pays ne recouvrait qu’une moitié de l’espace peuplé d’albanophones, et n’avait comme raison de vivre que l’objectif des deux pays cités en premier de voir la Serbie d’alors privé d’un accès à la mer. Durant la Grande Guerre, les Albanais ne furent ni neutres ni belligérants, ils se battirent entre eux et contre ou avec tantôt les Autrichiens et tantôt les Serbes, les Italiens et les Français. L’ouvrage fait l’impasse sur cette naissance dans la douleur en 1912 et les premières années d’existence de ce pays.

Dans une préface Gilles Rouet nous dit que Gëzim Qëndro (un ancien directeur de la Galerie nationale des Beaux-Arts de Tirana selon la quatrième de couverture):

« nous raconte l’histoire du régime totalitaire albanais en nous offrant un parcours commenté d’œuvres de l’époque et de la réception de ces œuvres. Il ouvre ainsi un débat nécessaire, avec une approche pertinente, originale et personnelle : il démontre que le communisme présente les caractéristiques d’une "religion séculière", au moins sociologiquement ». (page 8)

En appuyant son discours sur la reproduction en noir et blanc d’œuvres artistiques ou d’éléments d’architecture, il réalise ce qu’il appelle l’autopsie d’une utopie. Il ne décrit pas seulement les caractéristiques de l’art du réalisme socialiste (qui se modulent selon que ses destinataires soient des paysans ou des ouvriers) mais également son message pesa sur tous les destins individuels des Albanais. L’auteur évoque également les représentations que la peinture fit du pays dans la cinquantaine d’années avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale grâce à des artistes albanophones ou des étrangers en voyage (dont Edith Durham dont les productions réalisées vers 1901 ont une valeur quasi ethnographiques).

L’ouvrage donne des clés de lecture des images que le lecteur cultivé saura réinvestir face à d’autres productions comme la peinture d’histoire française ou des clichés de photographie d'actualité.