L'homme qui a vu l'homme de Marin Ledun

L'homme qui a vu l'homme de Marin Ledun

Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers

Critiqué par BMR & MAM, le 3 juin 2014 (Paris, Inscrit le 27 avril 2007, 64 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 898ème position).
Visites : 2 878 

Enquête journalistique

Malgré son titre bonhomme, L'homme qui a vu l'homme, le bouquin de Marin Ledun est plutôt sec et raide. Jusqu'ici on enviait le way of life des surfeurs des plages de la Côte d'Argent mais la vie n'est visiblement pas toujours très cool au Pays Basque.
On se souvient de la 'guerre sale' menée pendant les années 80 au Pays Basque par l'appareil répressif espagnol avec l'amicale bienveillance de son homologue français : des années sombres qui firent la triste renommée des GAL (Groupes anti-terroristes de libération) venus exterminer les membres d'ETA repliés en territoire français, en Euskadi-Nord.
En 2009-2010 de nouvelles exactions ont lieu dont la disparition de Jon Anza dont semble s'être inspiré Marin Ledun.
À cette époque, quelques mois avant qu'ETA abandonne officiellement la lutte armée (ce sera fin 2011), certains voient resurgir les fantômes des années de 'sale guerre'.
Ce bouquin est l'occasion de plonger dans l'histoire récente de ce pays, de revisiter les amours incestueuses entre les appareils judiciaires et policiers, de se perdre dans les arcanes de la désinformation et de la manipulation, de s'étonner encore et toujours de l'impunité avec laquelle peuvent agir des groupuscules miliciens (en France, en 2009).
Sans se laisser emporter par son engagement, Marin Ledun évite soigneusement d'en faire trop sur le volet politique et le héros de son livre n'est pas ETA : les motivations (parfois) de cette organisation et ses actions (souvent) sont suffisamment ambigus pour qu'on ne suive pas aveuglément ses militants.
Non, le propos de l'auteur vise plutôt à retracer le minutieux (et dangereux) travail d'investigation des journalistes : il y en a deux dans son roman, ni des saints, ni des héros, mais deux journaleux qui font leur boulot.
Cela donne un récit sec et un bouquin très dur, sans cesse sous tension, une sorte de thriller politique où Marin Ledun ne fait guère de concessions : pas vraiment de héros sans peurs et sans reproches, pas de scoops politico-journalistiques, pas de rocambolesques péripéties, ...
Mais des faits, beaucoup de faits, parfois difficilement soutenables, juste hier en 2009, ici en France.
La description coup de poing d'un monde déshumanisé qui renvoie dos à dos les flics compromis avec leurs mercenaires et les indépendantistes figés dans leur rigueur militante.
Marin Ledun tient sa prose et son intrigue d'une main de fer et nous donne un récit très dur mais indispensable.

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Compromissions de tous les camps

9 étoiles

Critique de Mimi62 (Plaisance-du-Touch (31), Inscrit le 20 décembre 2013, 71 ans) - 3 mai 2020

Un récit soutenu de la première à la dernière page, aux rebondissements et interrogations multiples pour ne pas dire constants.
Une immersion dans le monde du pouvoir occulte des états, des organisations terroristes où tous les coups sont permis, même les plus immoraux, toujours au nom d'idéologies incompatibles s'abritant derrière l'honorabilité de vouloir un monde en paix pour le meilleur, pour le peuple. Le peuple, c'est bien lui qui paye, au propre comme au figuré, les conséquences physiques, morales et financières.
On y rencontre des purs, convaincus sincèrement par l'idée qu'ils défendent sans se préoccuper des conséquences pour les autres. On y rencontre des motivés par le pouvoir et prêts à tout pour le garder. On y trouve les avides d'argent prêts à n'importe quoi pour en avoir encore plus. On y rencontre ceux qui n'y sont pour rien et se trouvent entraînés dans une spirale où tout leur échappe.

C'est aussi une approche de cet affrontement dans le Pays basque entre les séparatistes, les nationalistes, les indépendantistes les légalistes et autres barbouzes pouvant changer de camp selon le plus offrant, une plongée dans cette guerre sale... tant soit-il qu'il en existe une propre.
C'est la description des moyens sans limites utilisés par un état pour effacer les témoins de ses actions délictueuses, la manipulation de services pour agir en secret et de l'information pour s'exprimer publiquement.

Même sans rien y connaître dans ce conflit, on réussit à comprendre quelles sont les organisations principales en présence. Plusieurs indications en bas de page apportent un éclairage sur les termes basques employés.
Comprendre le déroulement n'est pas simple mais c'est parfaitement l'image de ce qu'était le ressenti de chacun, de ce que voulait faire passer l'état. Ce climat trouble est très bien rendu dans le livre car il faut que le lecteur accepte par moment de douter du rôle de certains, voire de chacun.

Un livre dont je suis sorti avec des idées plus claires concernant la période trouble du conflit basque, où je ne me suis nullement ennuyé.
Une écriture, vive, alerte, correspondant parfaitement à la situation, au rythme.
Une réussite

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