L'armée de l'ombre, tome 1 : L'hiver russe
de Olivier Speltens

critiqué par Septularisen, le 17 août 2014
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
LE QUOTIDIEN D’UN JEUNE SOLDAT ALLEMAND SUR LE FRONT DE L’EST
Novembre 1942, Ernst Kessler, jeune homme de 19 ans rêvant d’aventure et d’exploits, vient de terminer son entraînement en Ukraine comme soldat de la Wehrmacht. Versé sur le front Russe, il doit rejoindre la 6e Armée du Général Von PAULUS qui assiège la ville se Stalingrad…

Ernst est fier de porter l’uniforme de la Wehrmacht mais surtout complètement « porté » par la propagande allemande, il entame sa carrière dans la 332e compagnie d’infanterie. Mais, le front est distant de 2.000 Km et le voyage en train risque d’être très long même s’il est accompagné par son acolyte Werner et son ami d’enfance Jürgen.

Son rêve de victoires va toutefois très vite se briser face à la dure réalité de la guerre, car si l’ennemi bolchevique est encore loin, il doit bientôt faire face aux premiers morts, à la mort de son ami Jürgen tué par des partisans, et surtout à un ennemi plus terrible encore, l'hiver russe et ses températures de moins 40°C…

Je dois dire que je n’ai que des compliments à faire à cette BD. Le scénario tout d’abord, qui est avant tout une longue introduction à la suite du récit, mais qui est très loin des cliché habituels sur l’armée allemande… L’auteur nous présentant ici la guerre vu par un simple « troufion » avec ses peurs, ses joies etc etc…

Les dessins sont eux tout simplement immenses, incroyables, « stratosphériques »…. Si le cadrage est très classique, les scènes de bataille sont-elles époustouflantes de réalité, avec notamment le « traçage » des balles restitué de façon très réaliste. Les couleurs sont aussi très réussies avec notamment une prédominance du blanc et du noir, pour refléter la sensation de froid. La neige qui tombe, le souffle et la buée sortant de la bouche des personnages y sont aussi pour quelque chose.
Seul hic les visages sont parfois mal restitués, trop semblables les uns des autres, ainsi p. ex. Pg. 20 le médecin a exactement le même visage et les mêmes yeux qu’Ernest, juste avec la barbe en plus… à tel point qu’on dirait son père !...

Les connaisseurs de la Deuxième Guerre Mondiale (et je sais qu’ils sont nombreux sur CL), admireront eux, les dessins du matériel et des uniformes allemands restituées ici de façon incroyablement réaliste et avec une précision absolument époustouflante.
Cette précision ne s’arrête d’ailleurs pas au matériel et autres, on le retrouve p. ex. aussi dans les scènes de destruction des villes, ponts etc... Il y a aussi, bien sûr, quelques imprécisions diverses. Désolé M. SPELTENS mais en novembre 1942 le Folk Wulf D9 ne peut apparaître dans votre récit (Pg 12), cet avion étant apparu en dotation de l’armée allemande vers la mi-1944 !... (Même chose pour le char Panter d’ailleurs…), mais bon, ces petites erreurs sont vite oubliées devant le réalisme des autres dessins… Passons aussi d'ailleurs, sur les nombreuses fautes d’allemand dans les phylactères, qui amélioreraient la qualité de lecture si ils pouvaient être un peu plus grands, car ils sont si petits par moment, qu'ils en deviennent quasiment illisibles...

Rien à dire de plus, juste à lire et vous laisser « prendre » car c’est vraiment ici un grand moment de BD !
Hiver 42 à l'Est 7 étoiles

En 1942, la Wehrmacht et les armées allemandes ont déjà perdu la guerre depuis longtemps, le désastre de Stalingrad viendra sceller le sort non seulement de la 6 ème armée de Paulus mais aussi de toutes les troupes allemandes à l'Est. La crise morale qui va toucher les troupes nazies va en effet considérablement ternir l'efficacité des armes allemandes sur ce front (sans parler bien entendu
Cet épisode est admirablement retranscrit dans le premier tome de Speltens. On y côtoie des simples Landsër engagés sur ce front, trimbalés sur les immensités enneigées d'Ukraine et de Russie, victimes du froid, des partisans et des bombardements de l'Armée Rouge.
J'ai apprécié ce premier tome sur un sujet qui m'intéresse beaucoup et cette vision du conflit à la hauteur d'homme est assez réussie .Cependant, l'auteur qui est à la fois le scénariste et le dessinateur ne parvient pas à se détacher d'une certaine "caricature" ou plutôt de certaines séquences obligées (le soldat qui considère avec effroi le premier ennemi qu'il a abattu, le troufion au bordel, etc...).
Les quelques scènes de batailles sont très réussies et la bibliographie en tout début d'ouvrage montre que Speltens s'est bien renseigné (on y trouve des revues d'histoire militaire et des témoignages certes mais on lit une bande dessinée, pas un ouvrage universitaire). Je trouve que les aspects historiques sont très bien rendus, le scénario clair et très plausible et le dessin très acceptable (en effet les personnages sont assez similaires les uns aux autres, certains matériels comme les chars, semblent simplifiés, bref quelques points de critiques mais l'ensemble est d'une très bonne tenue.
Il manque cependant le souffle dramatique de l'époque qu'on retrouve par exemple dans la BD Rapoutitsa de Dimitri (aka Guy Sajer, l'auteur du Soldat oublié). Mais la différence est que Dimitri a vécu le conflit directement dans les rangs de la Wehrmacht, il sait donc de quoi il parle...

Vince92 - Zürich - 46 ans - 6 mars 2018


Grandiose 10 étoiles

Cette quadrilogie raconte le parcours de soldats de l’infanterie allemande pendant la seconde guerre mondiale. L’auteur nous propose de suivre quelques-uns d’entre eux présents sur le front russe, plus précisément en Ukraine. Il s’attache à nous exposer leurs points de vue, leurs craintes, leurs désillusions et leurs conditions de vie au milieu des ravages qu’occasionnent ces terribles combats.

Le premier volume commence en novembre 1942 et se poursuit pendant l’hiver 1943, les températures sont polaires et les conditions de vie inhumaines.
Le dessin et la colorisation sont magnifiques, tout est soigné et d’une grande et belle précision, et l’on ressent ce froid pénétrant et démoralisant, les plaintes des soldats en route vers le front où la situation militaire est encore viable. L’auteur s’attache à ne pas montrer gratuitement les détails gores et horribles des combats ce qui n’empêche pas de ressentir pleinement leurs effets dévastateurs tant physiques que moraux ; l’immersion est totale.
L’unique bémol concerne la physionomie des principaux personnages qui se ressemblent beaucoup, hormis Hartman et son nez cassé, et l’on a tendance à revenir en arrière afin de bien fixer les visages et de se familiariser avec les quatre ou cinq héros principaux.

Le découpage est limpide, le texte ne comprend quasi que des dialogues et sont également d’une grande clarté. L’auteur propose ainsi de présenter ces soldats d’un point de vue objectif, la plupart n’étant bien évidemment pas des monstres tels que l’on aimerait le croire. Simplement la guerre se décide dans les hautes sphères des états et ce sont malheureusement les peuples qui en paient le tribut. Ces jeunes allemands n’ont pour la plupart rien demandé, mais une propagande maîtrisée et parfaitement orchestrée, couplée à un enrôlement forcé ne leur permet pas de choisir leurs destinées.

Olivier Speltens, scénariste et dessinateur, fait fort dès le premier tome et nous entraine avec passion parmi ces fantassins allemands que sont Kessler, Werner, Krüger, Klaus et le plus expérimenté Hartman.

Ayor - - 51 ans - 9 mai 2017