La déesse des mouches à feu
de Geneviève Pettersen

critiqué par Libris québécis, le 6 mai 2014
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Catherine, 14 ans, droguée
L’auteure brosse le tableau des adolescents de Chicoutimi. Rien ne les distingue de ceux du reste du Québec. Ces teenagers se donnent un vécu bien différent des générations qui les ont précédés. Le roman insiste sur leur consommation de produits dopants qui les déconnectent de la réalité. On se rassemble pour s’adonner à un plaisir susceptible d’hypothéquer leur vie à tout jamais si le suicide ne vient pas mettre une fin prématurée à leur jeune existence.

Comme Christiane F, son émule, Catherine appartient à cette tranche d’âge qui vit dangereusement. Ces jeunes de l’œuvre ne sont pas des délinquants même s’ils aiment varger (battre) sur les b.s. (bénéficiaires de l’assurance sociale). Ils ne volent pas, ils ne se livrent pas au vandalisme, ils fréquentent l’école assidûment et ils y réussissent même. C’est apparemment du bon monde. Le bât blesse quand ils veulent acquérir, selon eux, une expérience de vie enrichissante qu’ils taisent à leurs parents. Les relations parentales sont d’ailleurs réduites au minimum. Elles le sont d’autant plus que les couples sont pris dans la spirale de la séparation, qui captive toute leur énergie pour se sortir du bourbier de l’échec amoureux. En somme, ces adolescents sont les victimes de la famille nucléaire qui se décompose. Faute de guides, ils compensent ce vide en s’adonnant à des plaisirs qui édulcorent la réalité et qui mènent à des assuétudes nocives à bien des points de vue.

Il s’agit ni d’un roman noir ni d’un roman trash. Geneviève Pettersen s’est appliquée à reproduire le plus fidèlement et le plus authentiquement possible le quotidien d’une jeunesse qu’on laisse aller à vau-l’eau. Il en résulte un sombre tableau dont, souvent, les adultes se désintéressent. Heureusement, une lumière brille au bout du tunnel. Tout n’est pas perdu. L’auteure mise beaucoup sur les circonstances qui peuvent instruire ceux qui prennent la peine de dégager le message que véhiculent la mort des proches et les sinistres, tel le déluge du Saguenay, qui a détruit une partie de la région en 1996. Un déluge facilement évitable si les barrages avaient été bien entretenues et si les expériences météorologiques menées par les États-Unis avaient été interdites. La leçon illustre que, derrière le malheur, se cache un grand manque de responsabilité personnelle et civique.

Chaque chapitre réunit les protagonistes dans un lieu différent, qui sert de moteur à la progression de l’action. On s’assemble pour favoriser les relations humaines grâce à la drogue, croit-on, mais le lecteur les rencontre aussi au restaurant avec des parents désireux de renouer les liens que les circonstances ont rendu un peu lâches. Des parents quelque peu manipulateurs, mais qui ne sont pas dépourvus de bons sentiments. En somme, c’est bien ficelé. Cependant, à la longue, le sujet perd de son intérêt, car la came et la musique ne composent que la seule préoccupation de ces jeunes en mal de vivre.

La langue frappera aussi le lecteur. Il se fatiguera de compter autant d‘ouessés (drogués) qui chillent (ont du plaisir) avec leurs spilffs (joints). Ce sont des weirds (des bizarres) qui aiment vedger (flâner) avec des amis skateux (fans de planches à roulettes). Ils évitent évidemment les capeux (forces de l’ordre). Ils ne sont ni jocks (sportifs) ni geeks (fans d’Internet). Ils se croient des hipsters (cool) avec leur mess (mescaline). En fait, ce ne sont pas de mauvais dudes (garçons) ou des pucelles sans cervelle. Mais je me demande pourquoi n’aiment-ils pas les kawishs (autochtones) ? Et, sans vouloir faire de bashing (dénigrer), je me demande pourquoi les auteurs réduisent-ils leurs œuvres aux initiés d’un occultisme linguistique ? Je dois être trop vintage (vieux jeu).