Opium
de Laure Garancher

critiqué par JulesRomans, le 7 mai 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
La peinture chinoise c’est bien plus difficile que la peinture devonoise mais c’est bien plus gracile
"Opium" est une BD qui traite des Guerres de l’opium, pour mémoire on en compte deux. La première guerre de l'opium eut lieu de 1839 à 1842 et opposa la Chine au Royaume-Uni tandis que la seconde guerre de l'opium se déroula de 1856 à 1860 avec cette fois l'intervention de la France, des États-Unis et de la Russie aux côtés du Royaume-Uni. Si du point de vue territorial le premier conflit se traduisit essentiellement par la cessation d’Hong-Kong, la seconde guerre se traduit dès 1858 par une avancée notable de la Russie vers le fleuve Amour et l’ouverture de nouveaux ports tandis qu’en 1860 le district de Kowloon agrandissait la possession anglaise de Hong-Kong. Par contre le Touva et la Mongolie restèrent chinois jusqu’en 1911, ce qui n’apparaît pas à la carte censée représenter la situation des frontières chinoises au milieu de l’année 1858.

L’originalité de ce récit est de proposer une intrigue où deux sœurs jumelles chinoises entretiennent successivement une relation amoureuse avec un peintre anglais venu dans l’Empire du milieu pour s’initier à la peinture chinoise. Les réactions des sœurs chinoises tiennent parfois plus du romantisme occidental que de la mentalité chinoise de l’époque. Si l’une est retirée des affaires politiques de lutte contre les "diables d’étrangers" (elle vit même un temps dans un couvent pour nonne bouddhiste), l’autre passe l’essentiel de ses occupations à espionner, paisiblement ou en jouant les ninjas, les Anglais.

Deux pages finales en BD expliquent les interventions étrangères et les révoltes chinoises qui suivent la Deuxième Guerre de l’opium ainsi que les derniers soubresauts de la dynastie mandchoue avec le rôle dramatiquement négatif de l’impératrice Cixi. De même deux pages en bandes dessinées avaient bien introduites les raisons pour lesquelles l'Angleterre tenait à vendre de l'opium en Chine et le fait que c'est au Bengale (partie de son empire des Indes) qu'elle le faisait produire. Cet album trouverait donc heureusement sa place dans des centres de documentation d'établissements secondaires.

Le découpage en vignettes de la page est constamment renouvelé, le décor est fouillé (ce qui permet d’approcher certaines dimensions du mode de vie chinois de l’époque) et les visages expriment de façon radicale si le personnage est positif ou négatif du point de vue moral. On note une vignette qui modernise le fameux dessin du partage du gâteau chinois entre les puissances étrangères. Cette caricature de Henry Meyer fut publiée dans le "Petit Journal" le 16 janvier de 1898.

Laure Garancher nous offre là une BD relevant des domaines de l’aventure, de l’histoire chinoise et de la psychologie après nous avoir livré une histoire tenant pour partie d’aspects relevant du reportage au sujet des mariages arrangés depuis une vingtaine d’années entre Chinois et Vietnamiens dans "Mon fiancé chinois" dont nous avions dit le plus grand bien. "Souviens-toi de moi" de Martine Laffon est un roman historique qui raconte les mésaventures d'un peintre chinois venu en Europe comme travailleur chinois durant la Première Guerre mondiale.