Juste après la pluie
de Thomas Vinau

critiqué par Sissi, le 4 mai 2014
(Besançon - 53 ans)


La note:  étoiles
"Je suis un écririen"
En préambule, ces mots de Pavese ( Le métier de vivre ) : « Mais la grande, la terrible vérité, c’est celle-ci : souffrir ne sert à rien ».
Et puis juste après (la pluie, donc), c’est parti pour un long roman-poésie et plus de deux cent cinquante poèmes, minimalistes ou un peu plus longs, qui croquent un instant, une pensée, un sentiment, un objet comme une éponge, questionnent ou rendent hommage à quelqu’un, connu ou non.
On ne cesse d’être dérouté, surpris, attendri ou amusé, ne serait-ce que par les titres (« Mithridatisation », « Nécessité fait loi ou quelque chose comme ça », « Mozart était-il myope ? » « Fais gaffe, tu marches sur mes yeux », « Les orteils de l’ambassadeur » etc.) qui interpellent fortement, alors que la langue est extrêmement simple, ce que Thomas Vinau revendique par ailleurs.
Dans les « Lignes de fuite », qui clôturent le livre, il s’explique :

« Je défends une poésie sans chichi, sans lyrisme excessif, une poésie du présent. Je ne tords pas la langue, je l’élague. Je ne chante pas le monde, je le chuchote […]
Le poème est ce pain qui se coupe à la main lorsque l’on a très faim.
Je vous donne mon gâteau de miettes »

Alors merci pour le gâteau, pour ces petits morceaux délicieux, pour ce bric-à-brac de mots qui finit par devenir précieux, pour ce bricolage ingénieux, cet « inutile indispensable » qui devient essentiel, ces petits riens qui forment un grand tout :

On ne se refait pas

On ne se refait pas
c’est bête
vu tout le temps
passé
à se défaire

Où vont les rêves

Où vont les rêves
dont on ne se souvient jamais

au même endroit
que les mains
que l’on a lâchées

Autrement dit

Mes yeux
sont des mains
qui ont
la bouche ouverte

Il est bon de savoir raisonner

Mon chien
est le plus trouillard
de la galaxie

j’ai souvent pu constater
que ces animaux
ressemblaient à leur maître

quand j’y pense

ça me fait peur