Ciel vert, ciel d'eau
de Mavis Gallant

critiqué par Dirlandaise, le 21 avril 2014
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
La perle de verre
Florence, une jeune américaine, vit à Paris avec sa mère Bonnie. Celle-ci, séparée de son mari et bien qu’étant issue d’une famille privilégiée, connaît la misère et l’insécurité. Lors de vacances à Cannes, Flor rencontre Bob Harris, en tombe amoureuse et l’épouse. La mère de Flor n’aime définitivement pas son nouveau gendre et ne rate pas une occasion de lui faire sentir son animosité. Mais l’argent de Bob Harris est le bienvenu et Bonnie s’accommode de cet homme qu’elle juge inférieur et indigne de sa merveilleuse Florence. Car Bonnie voue un véritable culte à sa fille dont la beauté radieuse éblouit tout son entourage. Mais, peu après son mariage, quelque chose se détraque dans le cerveau de Flor. Elle ne sort plus, se terre dans sa chambre jour et nuit et ne peut plus fonctionner normalement. Elle sombre dans la folie doucement au désespoir de sa mère et de son mari.

J’ai rédigé un résumé bien succinct de ce roman admirable de Mavis. Son écriture brillante analyse avec grande justesse les ravages de la maladie mentale et ses impacts sur les proches de ceux qui en sont atteints. Le roman se passe dans un milieu aisé et le style ne va pas sans rappeler celui de Colette. C’est d’une fine intelligence, d’une grande subtilité et les phrases éblouissantes abondent. Les descriptions de Paris sont magnifiques. Les personnages évoluent dans ce décor rutilant, traînant leur misère et leur angoisse. Certains personnages sont savoureux dont entre autres Whishart, le pique-assiette, le parasite visitant de riches veuves ou des femmes divorcées en manque de compagnie et d’affection. J’ai aussi beaucoup aimé Bonnie, cette mère couvant sa fille férocement bien que déchirée entre l’amour qu’elle lui porte et son goût pour les fêtes et les hommes. Une lecture qui m’a apporté bien du bonheur.

« Elle savait que le temps passait et que la ville se vidait, et pourtant, elle n’avait pas atteint les rêves qu’elle désirait. Un jour, elle ouvrit les persiennes de sa chambre et l’après-midi estival tomba sur son blanc visage et sa chevelure enchevêtrée. On sentait l’été finissant ; il était parvenu à son faîte et ne pouvait que décliner. La nostalgie pénétra dans la pièce – à cause du passé, du jour déclinant, d’une ombre à travers un store, de la peur de l’automne. C’était comme un amour trop longtemps discuté, un désir ajourné. L’accumulation d’ombres et de saisons finissantes ramenait à une scène : les bonnes dansant dans la cuisine de tante Dottie ? Elle tenait les persiennes ouvertes à deux mains, figée, comme pour appeler à l’aide. Personne ne vint, et elle retira ses bras minces pour fermer les persiennes. »