Feu pour feu
de Carole Zalberg

critiqué par Rotko, le 20 avril 2014
(Avrillé - 50 ans)


La note:  étoiles
Une confession dramatique.

Carole Zalberg, feu pour feu, Actes Sud, 71 p.

Le lire d’une traite, sans doute, mais le relire est plus indiqué pour ce monologue d’un père qui raconte sous la forme d’un chant, l’amour pour sa fille, qu’il a prise en charge et protégée, quinze ans auparavant.

Les circonstances étaient dramatiques, et recoupent certainement beaucoup de destins de « contraints à l’exil ».

Leurs vies sont jalonnées de massacres où ils laissent des victimes, et parfois, cruelle indignité ressentie, des proches devenus bourreaux potentiels, pour échapper à la résignation commune.

Leurs vies sont faites de parcours hasardeux vers le « Continent Blanc », de travaux clandestins, d’embrouilles diverses, d’attentes angoissées, de chances saisies au vol, de dangers évités on ne sait comment, de solidarités et de soutiens inattendus.

Au bout, il y avait pour le père l’espoir d’offrir tout ce qui a fait défaut, le toit, l’emploi, un avenir ouvert, une position, dans un « enchaînement heureux », legs des générations précédentes…

Ce monologue émeut car il est la parole d’un homme en détresse, à un moment crucial, celui où il apprend que son enfant (plus de quinze ans maintenant) a pris un « mauvais envol ».

Le père se reproche de n’avoir pas été vigilant, d’avoir ignoré que le point d’ancrage stable, le refuge espéré, ne conviendrait pas à l’envol, que la Bande et les Immeubles seraient obstacles à l’éclosion.

Pire ! Que les dommages extérieurs subis renaîtraient à l’intérieur même des victimes, dans une chaîne fatale où les Brûlés deviennent à leur tour Incendiaires.

Le récit de ces voyages - et des cheminements de la pensée paternelle, laisse entendre une voix perturbée par la découverte de « l’indignité filiale », il devra remonter le courant, après le naufrage…

Dit en public ce chant d’une âme affligée mais courageuse, avec des mots sortis du cœur, sera une odyssée bien comprise par une assistance attentive.

Léger bémol, les paroles de la 2e génération, insérées dans le monologue paternel, se font dans une langue fruste, sabir d’un destin brutal - et calamiteux.