Les 30 deniers, Tome1 : Savoir
de Jean-Pierre Pécau (Scénario), Igor Kordey (Dessin), Len O'Grady (Couleurs)

critiqué par Shelton, le 21 avril 2014
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Un bon départ de série percutante...
De très nombreux lecteurs ont suivi avec intérêt pendant une dizaine d’années la parution extraordinairement régulière de l’Histoire secrète. Ce travail énorme a permis de montrer trois éléments évidents, flagrants et pertinents : la qualité scénaristique de Jean-Pierre Pécau qui a su mettre en place une histoire longue retraçant l’ensemble de l’Histoire de l’humanité provoquant ainsi une œuvre générale et géniale déclenchant par là-même une addiction pathologique – ou presque – chez certains lecteurs passionnés d’Uchronie ; la lecture de chaque album pouvant se faire sans lien obligatoire avec le reste de la série, on a vu un grand nombre de lecteurs prendre au moins une fois en main certains albums, en fonction des épisodes traités démontrant que les passionnés d’histoire sont beaucoup plus nombreux dans notre pays que ce que les enseignants imaginent ; enfin, ce fut la preuve éclatante qu’Igor Kordey était bien un bon et grand dessinateur de bandes dessinées, capable d’enchainer jusqu’à quatre albums par an, ce qui n’est pas rien surtout quand les années se suivent et se ressemblent avec le même rendement graphique, quantitatif et qualitatif. C’est pour cela que lorsque Jean-Pierre Pécau m’avait annoncé le projet « 30 deniers » je n’avais pas été surpris et j’étais impatient de le découvrir… Une grande histoire en une douzaine d’albums, le même couple d’auteurs, une parution en librairie rapprochée, un thème historique, religieux et mystérieux, tout était réuni pour me satisfaire !

Alors, quel est, cette fois-ci, le concept qui va nous tenir en haleine pendant trois ou quatre ans ? Vous souvenez-vous de la trahison de Judas ? Oui, je parle bien de l’homme qui a trahi Jésus, celui par qui le scandale de la croix pu arriver… Sans lui pas de gibet, pas de croix, pas de sacrifice, pas de résurrection ! Que sont devenues les trente belles pièces d’or de la trahison ? 30 deniers qu’il n’a pu supporter de garder en main et qui l’ont poussé au suicide… On dit qu’elles auraient servi à acheter un champ, un champ resté stérile sur lequel jamais rien n’a pu pousser. Au bord du champ, un petit prieuré, modeste et discret, où commence notre histoire…

Chaque pièce a suivi son chemin et il semblerait que le seul fait d’en posséder une donne un pouvoir particulier, un pouvoir constructif ou destructeur selon le cas. Un denier rendrait invisible, un autre soignerait, certains ouvriraient les portes du paradis, d’autres de l’enfer… Allez savoir !

Dès lors, imaginez ce que pourrait être la réaction d’un bon père de famille sachant que sa fille, irrémédiablement condamnée par une tumeur cérébrale maligne, pourrait être sauvée par la présence d’une seule de ces pièces ! Il est prêt à tout et on le comprend… Non ?

On perçoit aussi rapidement que si les intentions paternelles sont nobles, il peut aussi exister en parallèle des acteurs plus sombres qui souhaiteraient posséder ces pièces magiques et fantastiques pour l’argent, le pouvoir, la suprématie… Cela va ressembler à une grande guerre pour obtenir ces talismans monétaires…

La narration graphique est très dynamique, remarquablement efficace et on sent de la première à la dernière planche de ce premier album l’entente admirable entre le scénariste et le dessinateur. Quant aux couleurs, ne les sous-estimons pas car elles font bel et bien partie de la narration. O’Grady, le coloriste attitré d’Igor Kordey depuis des années, faut un très bon travail coaché par le dessinateur lui-même qui n’aurait pas eu le temps de les réaliser dans les délais, du moins c’est ce qu’il avoue lui-même. Une très belle équipe qui nous emmène dans un univers religieux, politique, historique, fantastique et profondément humain. Le mystère à l’état brut, une histoire qui nous retourne et nous séduit comme Pécau sait les écrire…

Je ne peux que vous dire que j’ai apprécié ce premier volume et que j’attends la suite avec impatience.

Ma seule limite se situerait du côté du nombre d’albums prévus car à une époque où les budgets familiaux sont en baisse, il est évident que les lecteurs hésiteront certainement à se lancer dans des séries trop longues. Le fait que beaucoup d’acheteurs se limitent aux one-shot devrait montrer que ces séries seront peut-être en danger avec trop peu de lecteurs potentiels. Il faut peut-être intégrer cela et limiter un peu certaines séries à cinq albums… Malgré tout quand le thème est bon, la construction bien faite, le premier tome porteur d’espérances qualitatives… on serait quand même enclins à tenter sa chance et plonger dans ces 30 deniers…

D’ailleurs, et si ces deniers étaient en fait des talents ? Mais, je ne vous en dis pas plus…