Pas Pire
de France Daigle

critiqué par Libris québécis, le 18 avril 2014
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Une Acadie ouverte sur le monde
Antonine Maillet a donné aux Acadiens la fierté de leur identité. Les nombreuses facettes de leur culture s’appuient sur une histoire de déportation en Louisiane qui a fait ressurgir toutes leurs valeurs. France Daigle endosse cette quête d’identité, tout en ajoutant que l’Acadie a droit à la reconnaissance de sa légitimité. C’est peut-être la raison pour laquelle cette écrivain a prêté sa plume à la promotion des siens.

Évitant le chauvinisme, elle fait ressortir la grandeur d’âme des gens de Dieppe, son village natal, situé non loin de Moncton au Nouveau-Brunswick. Elle s’associe à cette population au point de se choisir comme première protagoniste de son roman. Ce n’est pas l’héroïne glorieuse, mais l’humble villageoise qui profite de ses amis d’enfance et de ses connaissances pour se forger un moi acadien. Avec eux, elle chemine vers une existence ouverte sur le monde. Cet objectif implique l’abolition de l’agoraphobie collective qui interdit de répondre aux appels de l’ailleurs. C’est le dilemme de l’héroïne, elle-même atteinte par cette peur maladive. S’ouvrir sur le monde exige un espace agrandi pour pouvoir contenir l’extension que l’on veut bien se donner.

C’est autour de cette dynamique que France Daigle trace l’avenir du peuple acadien. Le résultat donne un récit optimiste, rieur, plus ou moins autobiographique, mais en symbiose avec son entourage. Il décrit les affres d’une femme aux prises avec son désir d’affirmation dans le contexte d’une phobie qui la paralyse. La trame semble simple, mais le tissage laisse apparaître des arabesques complexes qui viennent brouiller la narration entrecoupée d’éléments informatifs sur la formation des deltas, sur les signes du zodiaque, sur les diamants… L’auteur délaisse ainsi les figures de style, en indiquant cependant, comme en aparté, les points de comparaison susceptibles d’établir l’unicité de l’univers. C’est original comme architecture, mais harassant pour ceux qui n’apprécient pas l’interpénétration des genres. N’empêche que c’est une œuvre innovatrice, bien ancrée dans le quotidien que soulignent les emprunts au chiac, le langage vernaculaire utilisé au Nouveau-Brunswick. Bref, « y’avions » bien aimé ça.