Faut-il vraiment découper l'histoire en tranches ?
de Jacques Le Goff

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 10 avril 2014
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Un essai raté !
Déception ! Déjà le titre : « Faut-il vraiment découper l'Histoire en tranches ? » est un attrape nigauds. Ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit ; ce que Jacques Le Goff tente de démontrer est que « La Renaissance n'est qu'une ultime sous période d'un long Moyen-Âge ».

La première moitié du livre est carrément barbante : l'auteur passe en revue tous les historiens qui ont parlé de la Renaissance et, s'ils en ont dit du bien, d'après lui, ils se sont trompés. Et ils sont nombreux ! Il y en a plusieurs dizaines. (Ce qui m'a mis de mauvaise humeur c'est, qu'à part Michelet, je n'en connaissais aucun).

Mais le pire est à venir dans la seconde partie du livre. Pour Le Goff, la fin du M-A se situe au milieu du XVIIIème siècle avec les encyclopédistes, et ne prend véritablement fin qu'avec la Révolution française !
Évidemment il peut paraître prétentieux de critiquer le grand Le Goff mais je n'ai pu m'empêcher de trouver que sa thèse était, disons... incongrue et son argumentation, disons... un peu bizarre.

Jugez vous mêmes : - par exemple, pour lui, la navigation du XVIème siècle était à peine meilleure qu'au XIIIème siècle et Christophe Colomb est typiquement un homme du M-A !
- Puisque saint Thomas d'Aquin se proposait de voir l'homme à travers Dieu, il avait conçu l'Humanisme bien avant la Renaissance et Érasme n'a rien inventé !
- L'imprimerie n'est pas une invention déterminante ! Le vrai progrès est le passage du rouleau au codex qui date du Vème siècle !
- Laurent de Médicis n'est pas un homme de la Renaissance mais ne fait que suivre les grands tyrans italiens du XIIIème siècle. D'ailleurs, pour Le Goff, Charles Quint, Jules II, Léon X et les Borgia sont des personnages typiquement moyenâgeux !
Qui l'aurait cru !
- Parce que Albert le Grand au XIIIème siècle avait tenté de réconcilier Platon avec le christianisme, ce n'est pas la Renaissance qui a remis à l'honneur les philosophes de l'Antiquité !
Faut-il encore continuer ?
- Pour Le Goff, Luther n'est qu'un hérétique comme le M-A en a tant connu et la Réforme n'est rien de plus qu'une hérésie à mettre sur le même pied que celle d'Abélard au XIème siècle.

Et tout le livre est du même tonneau : Le Goff va même jusqu'à en vouloir à Michelet d'avoir inventé le mot Renaissance – avec un R majuscule, excusez du peu !
Pourtant Michelet a dit beaucoup de bien du M-A. Mais, à cause d'un deuil, prétend Le Goff, il était devenu neurasthénique et alors, il a assimilé le M-A à son enfance qui avait été malheureuse. Il a ensuite aspiré à une nouvelle clarté dans sa vie, ce qui lui a inspiré le mot Renaissance !
Je crois qu'après ça on peut tirer l'échelle !

Finalement, sauf le respect qui est dû au grand historien que fut Le Goff, on peut se demander si son dernier essai n'a pas été un essai de trop.