Les petites voix
de Francis Dannemark

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 22 août 2003
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
Distance ? Point trop n'en faut...
Il est souvent question d'un écrit dans les livres de Francis Dannemark (« Bel amour, chambre 204 », « Mémoires d'un ange maladroit », « Qu'il pleuve »).
Celui-ci ne fait pas exception.
Un journal commande un article à une traductrice à propos de Paul Grenz, car ce compositeur est à l'origine de la musique d'un film qui va débarquer sur les écrans européens après avoir remporté un franc succès aux USA.
Tout le monde se demandera alors qui est cet homme, et le journal pourra briller par son article.
La narratrice doit faire jouer plusieurs de ses relations avant d'obtenir un nom, un numéro de téléphone, car Paul Grenz semble inaccessible.
Les premières informations qu’elle récolte étant anecdotiques, elle abandonne l’idée de l’article (le journal lui signifie d'ailleurs qu'il n’a plus besoin d’elle) mais pas l'idée d’en savoir plus sur Paul Grenz.
Car le peu de choses qu’elle a apprises à son sujet lui a rendu sympathique ce personnage.
Et puis, il y a sa musique.
Totalement séduite, jusqu'aux larmes parfois.
Il a même écrit un livre, ainsi qu'un recueil de poésie.
Petit à petit, elle obtient des rendez-vous, assez facilement d’ailleurs, avec des intimes de Grenz.
Tous lui racontent tel ou tel épisode, lui répètent telle ou telle parole.
Par exemple : « C’est très bien, l'argent, mais ça coûte trop cher. »
Ou encore : « le travail -composer de la musique, ou construire des ponts, ou vendre des pizzas-, c'est quelque chose qu’on fait pour s'occuper quand l'amour est en congé ».
Les petites voix mises bout à bout forment une partition, on voit apparaître le visage de Grenz en filigrane d'abord, puis il devient de plus en plus net.
« Naïf comme un gosse mais avec des stratégies de joueur d'échecs professionnel. »
Ce Paul Grenz, s'il existe, j’aimerais bien le rencontrer, moi !
Tout le livre tourne autour d’une personne qu’on ne voit jamais « en direct » mais toujours par la médiation des autres.
Sa vie n'a rien d’exceptionnel ; elle connaît bien sûr des moments de crise, est traversée par des personnages hauts en couleurs.
Mais…
Mais c'est peu, très peu pour un roman.
Car la constante médiation nous rend les choses extérieures.
Je ne me suis pas sentie impliquée : les nuages noirs qui ont pu planer sur la vie du compositeur m'ont semblé lointains ; or, une possibilité d’orage à 300kms de chez moi ne me fait pas frissonner.
Quant au style, il est neutre, à part quelques formules intéressantes.
L'élégance de Francis Dannemark 8 étoiles

L'élégance de Francis Dannemark se retrouve, encore et toujours, tout au long des lignes de ce roman. Encore et toujours parce qu'il me semble qu'au travers des mots utilisés par les différents critiques qui ont pignon sur rue, et qui essaient de définir son style, ils ne parviennent pas à le faire totalement. Et c'est tant mieux ! Moi non plus, évidemment. Ce n'est d'ailleurs pas mon but.

Le mot élégant me paraît en tout cas coller à la personnalité de cet auteur. Un grand jeune homme de soixante ans. Son écriture lui ressemble. Cette élégance émise par des phrases apparemment toutes simples, des questionnements, des vérités, des insinuations, qui me laissent perplexe, qui me donnent envie d'y revenir. Ce Monsieur-là a le don de peser ses mots allègrement. Quelle classe !

...« Je n'aurais pas pu le penser ni le dire, mais je savais ce qu'il faisait : il mesurait la confiance qu'il allait m'accorder. Dans le contrat que nous passions, il y avait du silence : les questions que je ne lui poserais pas. Et j'acceptais. J'acceptais tous les termes, toutes les clauses. » …
... « Bien sûr nous ne sommes pas libres. Les choses vont, les choses viennent, tout bouge tout le temps, la roue tourne et la vie nous porte où nous devons aller et nulle part ailleurs.
-Pas libre du tout ?
-Libres de regarder, ça oui, et c'est énorme comme liberté, vous savez. Regarder avec des yeux ouverts ou avec des lunettes noires. »...

Pour l'histoire, l'intrigue, ou encore le scénario de ce livre, il suffit d'en lire la quatrième de couverture.

Henri Cachia - LILLE - 62 ans - 7 avril 2015


petite musique paradoxalement en sourdine 6 étoiles

Impression mitigée au terme de la lecture. Ce roman n'arrive pas au niveau des "Agrandissements du ciel en bleu" ou de "Qu'il pleuve".
Tout ici est trop souligné.
Pour moi, la petite musique de Dannemark, c'est la musique du hasard, de personnages vaguement esquissés qui semblent vivre dans les brumes de l'existence en supposant qu'ils puissent réellement exister. La petite musique Dannemark, c'est le récit de personnages esseulés au coeur des villes, sans que l'isolement soit un problème : au contraire, c'est l'occasion pour eux de faire l'expérience de la volupté de la solitude, de la bienveillance du hasard provoqué au gré de leur dérive, non comme un navire menacé mais comme un frêle esquif qui se laisse porter par le courant sans soucis du lendemain.
Ici, la petite musique Dannemark n'agit paradoxalement qu'en sourdine alors que l'héroïne se jette sur les traces d'un grand compositeur. Tout est trop clair, trop défini, le personnage central est trop déterminé, les détails trop prosaïques. Le charme de Dannemark, c'est quand tout reste dans le vague et que les dérives sont insouciantes, ici, ce n'est plus une dérive mais une quête, simplement.

B1p - - 50 ans - 20 février 2004