Il n'y a plus d'Amérique
de Louis Caron

critiqué par Libris québécis, le 19 août 2003
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
La Vie américaine
Louis Caron s'est servi avec habileté du matériel des historiens pour en faire des romans qui suivent notre destin collectif à partir du X1Xe siècle. Avec Il n'y a plus d'Amérique, il rompt avec sa manière pour plonger dans la contemporanéité.
Pour sa nouvelle oeuvre, l'auteur s'est inspiré d'adolescents de Longueuil, François et Fanny, qui ont été violés et jetés en bas du pont reliant Montréal à leur ville. L'incident fut très médiatisé, surtout à cause des parents de l'une des victimes, qui ont pardonné aux assaillants de leur enfant.
Louis Caron n'a pas choisi cette voie pour développer son roman. Par contre, il consacre la première partie de l'oeuvre à narrer, à sa façon, ce drame survenu alors que les deux ados revenaient de La Ronde, une île vouée au divertissement.
Les trois quarts du roman sont consacrés aux réactions des parents de François. La mort sordide de leur fils entraîne la dislocation du couple parce que la mère tient son mari responsable du drame. Quand leur enfant appelle pour qu'on vienne le chercher ainsi que sa copine, son père lui oppose un refus catégorique d'autant plus qu'ils reçoivent ce soir-là des clients français en quête de bois d'ébénisterie. Or, après les funérailles, Suzanne indique la porte à Hubert même si, ensemble, le couple avait mis sur pied un commerce florissant.
Pour faire le deuil de leur enfant unique, la mère adhère à une secte établie à la frontière américaine, et le père se joint à un Américain illuminé de l'état de New York, qui entraîne une milice pour abattre un jour le président des .tats-Unis, rien de moins. Hubert se sert de lui pour tirer sa femme qu'il aime encore des griffes d'un autre illuminé de la Californie, qui a réussi à monter un organisme lucratif avec l'avoir de membres en quête de guérison pour les maux de l'âme. S'il pouvait retrouver l'amour de sa femme, croit-il, son deuil pourrait être plus supportable. Le destin lui apprend que son apaisement ne tenait pas à cette solution.
Il n'y a plus d'Amérique n'est pas un titre équivoque. Si la constitution américaine est la plus belle au monde, il n'en reste pas moins que les responsables de son application ont dévié de l'idéal de ceux qui l'ont écrite. C'est ainsi que chez nos voisins naissent des illuminés, qui veulent faire revivre dans leur pays l'esprit des fondateurs. Leur intention fort louable est servi par des moyens discutables. Certains recourent à des valeurs guerrières, d'autres à des valeurs religieuses qu'ils exploitent finalement pour s'enrichir. Le roman de Louis Caron s'insère dans ce cadre très américain. À partir d'un deuil, il fait le procès de l'Amérique du Nord. Qu'offre-t-elle à ceux qui sont rongés par le remords, à ceux qui sont abusés, à ceux qui sont rejetés, trahis... Présentement la violence et la religion spoliatrice semblent être les deux seuls remèdes aux maux de notre société. L'auteur offre sa solution en pointant les premiers habitants de ce continent auprès desquels Suzanne trouve le salut.
Campée en grande partie dans un village sis au pied des montagnes de l'état de New York, cette oeuvre de Louis Caron est enveloppée dans un suspense qui ne livre la clef de l'énigme qu'à la toute fin, dans un dénouement flamboyant à la manière made in USA. L'auteur a écrit un roman complexe, dont la structure évite la linéarité par le parallélisme. Mais on ne s'égare pas dans les labyrinthes, un peu trop longs cependant, et on ne s'y ennuie pas même si l'on ne sait pas où l'on s'en va. C'est simple à lire malgré tout, car l'écriture dépouillée est efficace. Quel plaisir de lire un roman américain écrit en français sans qu'il soit dénaturé par la traduction. Au Québec, nous comptons maintenant quelques auteurs, tel Louis Hamelin, dont l'américanité ne fait pas de doute.