Mémoires de la Grande Guerre 1911-1915
de Winston Churchill

critiqué par JulesRomans, le 28 avril 2014
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
«L’Angleterre s’écroule dans l’ordre, et la France se relève dans le désordre». (Winston Churchill)
François Kersaudy livre un avant-propos fort intéressant mais où il omet deux informations capitales. La première est que Churchill est député conservateur de 1900 à 1904, parlementaire libéral de 1905 à 1922 puis de nouveau député conservateur de 1924 à 1964. Entre 1905 et 1922 il est constamment en désaccord, tant pour les sujets de politique intérieure, que pour la conduite de la guerre, avec les dirigeants conservateurs qui plusieurs fois mettent leur veto à sa participation à un gouvernement de coalition.

La seconde serait selon François Bédarida (Churchill, Paris,‎ 1990, p.222) que pour notre personnage «durant le conflit, les professionnels de la guerre, généraux et amiraux – the brass-hat –, ont eu régulièrement tort, tandis que les professionnels de la politique – the frocks – ont eu généralement raison».

L’ouvrage commence par six chapitres qui rappellent combien la politique habile de Bismarck est écartée à partir du moment où l’Allemagne se met à soutenir de façon peu nuancée les initiatives de l’Autriche-Hongrie dans les Balkans mais aussi comment l’Angleterre se sent menacée par la volonté de Berlin de devenir une puissance maritime et encore pourquoi l’Allemagne a pu faire le pari que le Royaume-Uni empêtré dans l’affaire irlandaise (où son gouvernement est en butte tant aux actions des catholiques que des orangistes) ne réagirait pas (ou pas rapidement) à l’invasion de la Belgique.

« Était-il étonnant que des agents allemands aient pu annoncer, et des hommes d’État allemands croire, que l’Angleterre, paralysée par les factions, glissait à la guerre civile et qu’il était inutile de la compter parmi les facteurs importants de la situation européenne ? Comment pouvaient-ils discerner ou mesurer l’accord profond et inexprimé qui régnait bien au-dessous de l’écume, des vagues et de la furie de la tempête ?» (page 134)

Churchill souligne bien le fait que sans la violation de la neutralité belge, l’Angleterre serait restée l’arme au pied dans un conflit opposant l’Allemagne et l’Autriche contre la France et la Russie (pages 211-212). Outre les passages où on voit comment l’armée anglaise est transportée rapidement sur le continent à la surprise de l’ennemi, les passages les plus intéressants sont ceux qui évoquent la marine. Churchill est très sévère vis-à-vis de Lord Fischer, qui a été rappelé pour commander à 74 ans cette dernière.

Début 1911, Churchill est Premier Lord de l'Amirauté et sa visite à Anvers pour inciter l’armée belge à continuer le combat, fait gagner une précieuse semaine qui évite que les armées allemandes ne s’emparent de Dunkerque et Calais.

On lit évidemment tout ce qu’avance Churchill, au sujet de l’expédition des Dardanelles. Son tragique échec entraîne la chute du gouvernement et Churchill voit son avenir de ministre largement compromis. Le livre se clôt alors que nous sommes fin mai 1915 et nous savons personnellement que Churchill (officier aux Indes et correspondant d'un journal lors de la Guerre des Boers) est venu se battre dans les tranchées anglaises du front occidental comme lieutenant- colonel. Il lui faudra attendre juillet 1917, pour qu'il devenu ministre de l'Armement. Quelques mois plus tard Clemenceau arrive au pouvoir en France…

Un précieux index des personnages cités occupe cinq pages.