Le jeûne, une nouvelle thérapie ? de Thierry Vincent de Lestrade

Le jeûne, une nouvelle thérapie ? de Thierry Vincent de Lestrade

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire , Arts, loisir, vie pratique => Santé et sport

Critiqué par Elya, le 10 mars 2014 (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans)
La note : 8 étoiles
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Historique du jeûne en tant que pratique thérapeutique et préventive

Ce livre a été édité en 2013 par les Éditions La découverte, en partenariat avec ArteTV. En effet, le thème de ce livre - le jeûne comme thérapie - avait déjà donné lieu à un reportage sur la chaîne en 2011, réalisé par deux journalistes, Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade, ce dernier étant aussi l'auteur de cet ouvrage.

Thierry de Lestrade retrace l'histoire du jeûne en tant que méthode thérapeutique, curative ou préventive. S'il évoque brièvement le cas de Pythagore qui apparemment jeûnait (mais nous n'avons pas de références pour en savoir plus), les premières tentatives de jeûne dans ce cadre remontent plutôt à la fin du XIXème siècle. L'auteur s'appuie sur des ouvrages en anglais et en français tels que La méthode Guelpa de Guillaume Guelpa (1913) pour nous présenter comment était perçu le jeûne par ceux qui l'appliquaient sur eux ou sur des patients dans ces années là. Il s'agit de témoignages de personnes ayant jeûné (strictement) jusqu'à 42 jours.
C'est en URSS, à partir des années 50, que le jeûne a été le plus pratiqué. Ses indications étaient initialement les maladies mentales, puis l'asthme, l'hypertension, l'obésité ou encore les douleurs chroniques. En 1988, le ministère de la santé russe aurait même réalisé des recommandations concernant le jeûne, qui était à l'époque intégralement remboursé. Le problème est que tous les travaux existants sont en langue cyrillique. Il existe apparemment de nombreuses études mettant en évidence l'efficacité du jeûne et son innocuité, ainsi qu'explicitant les mécanismes physiologiques qui se mettent en route. Mais rien n'est vérifiable puisqu'aucune traduction n'existe, même en anglais. Thierry de Lestrade mentionne une région de Russie, la Bouriatie, où les cures de jeûne sont encore remboursées. Il existe aussi des cliniques privées, notamment en Allemagne, où les cures, associées à des pratiques telles que le yoga ou l'acupuncture, sont destinées à qui le souhaite ; généralement des gens plutôt fortunés et en bonne santé.
L'auteur regrette cette évolution mais la met sur le compte du caractère non lucratif des recherches sur le jeûne. Cependant, un chercheur actuel, Valter Longo, s'est lancé depuis plusieurs années dans des études sur l'efficacité des jeûnes contre les effets secondaires des chimiothérapies. D'abord sur les animaux, avec des résultats encourageants, puis maintenant sur l'humain. L'hôpital Avicenne de Bobigny en France devrait d'ailleurs être intégré à une étude multicentrique sur le sujet.

Le travail d'enquête de ce journaliste paraît vraiment bien mené. Ses conclusions sont assez prudentes et sous-entendent qu'il n'y a pas encore assez de preuves pour mettre en évidence l'efficacité du jeûne. Par contre, mener des études sur le sujet semble primordial. L'auteur insiste également sur l'importance d'adopter une bonne hygiène de vie qui va de paire avec la pratique du jeûne : pratique régulière d'activité physique, alimentation raisonnée et étudiée.

Quelques points cependant m'ont un peu fait grimacer.

Je n'ai pas du tout apprécié l'opposition manichéenne qu'érige l'auteur entre une médecine qui serait rationaliste, orthodoxe, allopathique, figée, autoritaire et une médecine empirique, holistique, douce, alternative et saine dans ses fondements et ses applications, le jeûne s'inscrivant dans cette dernière. Dans le chapitre 2, c'est l'histoire de ces oppositions qui nous est contée avec beaucoup de partis pris. Le chapitre est d'ailleurs introduit ainsi : « La pratique médicale actuelle repose sur la croyance en son efficacité réputée supérieure à celles des méthodes « non orthodoxes ». Ce qui expliquerait la disparition de celles-ci. Mais cette croyance est fausse » (p35). Il y aurait beaucoup de choses à dire sur cette partie qui mériterait selon moi d'être extraite de l'ouvrage. Pour avoir une idée du caractère regrettable de cette dichotomie, on peut lire par exemple le document suivant : http://cortecs.org/wp-content/uploads/…

La conception de la théorie de l'évolution de l'auteur est aussi problématique. Cette phrase, parmi d'autres, l'illustre : « l'homme, tout comme les manchots de Terre Adélie, est programmé pour jeûner » (p170). Cette version erronée et téléologique de l'évolution est très fréquente et bien expliquée dans, par exemple, Ni dieu ni Darwin de Dominique Guillo.
Enfin, je regrette que la bibliographie ne soit pas plus précise. Apparemment, la plupart des ouvrages mentionnés ne sont pas traduits en français. Pourtant, leurs titres et auteurs sont cités en français. Ce qui fait que lorsqu'on les cherche, on ne les trouve pas, même en langue originale. J'aurai apprécié qu'ils figurent donc quelque part en langue originale pour qu'on puisse les retrouver.

Ce livre, pris comme un historique du jeûne en tant que pratique thérapeutique, me paraît intéressant. Il ne suffit cependant pas, selon moi, pour se faire un point de vue sur le niveau de preuve que l'on peut octroyer aujourd'hui à cette pratique.

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