Le Horla (BD)
de Guy de Maupassant, Guillaume Sorel (Scénario et dessin)

critiqué par JulesRomans, le 28 février 2014
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
Un album pour se rappeler que le Mont-Saint-Michel est normand et pas breton
Nous sommes face à une très esthétique adaptation de la nouvelle fantastique "Le Horla" de Maupassant. On en connaît trois versions dont deux publiées, l’une de ces deux dernières oubliée est parue dans le "Gil Blas" journal dont la devise était:

«Amuser les gens qui passent, leur plaire aujourd'hui et recommencer le lendemain».

Le narrateur réside près de Rouen et sa maison bourgeoise est en bord de Seine, il voit passer de magnifiques voiliers remorqués. Ses premiers troubles apparaissent en voyant passer un bateau venant du Brésil, terre de La Macumba, une sorcellerie prenant sa source auprès de trois courants ésotériques majeurs : celui importé par les esclaves d’Afrique, celui chamanique des Amérindiens, et enfin celui occultiste européen.

Le narrateur, personnage principal du récit, pense côtoyer un être surnaturel à facette immatérielle qui est venu résider dans son lieu d’habitation. Il peut y échapper en s’éloignant de sa maison, mais il se sent happé par la force d’un être fantastique qui le contraint à y demeurer. Il lui vient à l’idée de mettre fin à cette situation insupportable en tentant de détruire le horla. On brûlait les sorcières aussi germe l’idée d’utiliser le feu. Quelles en seront les conséquences ? Auparavant le héros aura pris assez souvent le train et se rappellera un voyage au Mont-Saint-Michel.

Le graphisme rappelle les choix picturaux des peintres de l’époque de la fin de la vie de Maupassant, et en particulier ceux de Manet, qui avait séjourné au Brésil peu avant 1850 et chez qui les scènes avec des voiliers se retrouvent dans "Clair de lune sur le port de Boulogne", "Le Départ du vapeur de Folkestone", "Le Combat du Kearsarge et de l'Alabama" ou "L'Évasion de Rochefort ". Voilà avec cette très belle adaptation en BD de la nouvelle "Le Horla" une occasion de faire entrer culture littéraire, artistique et historique de manière vulgarisée à un très bon niveau qualitatif. "Le Horla" a également été adaptée en 2012 dans une BD de Frédéric Bertocchini (Scénario) et Éric Puech (Dessin).
pour le dessin 6 étoiles

Je suis un grand fan de Guillaume Sorel. Son dessin se prête parfaitement à un tel roman : c'est le dessin d'ailleurs qui porte l'ensemble de l'album et sa noirceur progressive qui explique la descente aux enfers du sujet jusqu'à l’acmé final.
Quant à l'histoire... J'ai un souvenir très vague de la nouvelle, qui m'avait assez peu bouleversé à l'époque où je l'ai lue. La version dessinée ne m'aura guère plus convaincu sur ce point : sauf exception exceptionnelle, j'ai rarement vu un roman trouver une déclinaison dans le neuvième art qui en conserve la force de frappe émotionnelle. C'était sans doute d'autant plus difficile ici étant donné que l'original ne m'avait laissé aucune empreinte émotionnelle du tout...

Pour info, comme j'ai assisté à une conférence de Guillaume Sorel himself au sujet de cette adaptation, sachez qu'il souhaite que cela marque le début d'une trilogie normande. Il souhaiterait que "Le Bonheur dans le Crime" de Barbey d'Aurevilly (évoqué sur une planche du présent opus) en constitue le 2e volet, mais il n'aura pas le temps d'y travailler avant un an vu qu'il est occupé sur un autre projet pour le moment.
Pour le reste (les rituels de création, le rapport à la modernité, de sa capacité ou pas à faire la cuisine tout en pensant à ses planches...), je laisse les fans éventuels de Sorel qui sont sur le forum dans l'expectative. Pour bien les agacer, je dirai tout de même que j'ai maintenant une belle dédicace sur ma version grand format du Horla...

B1p - - 50 ans - 2 avril 2014


Très belle adaptation 8 étoiles

Depuis plusieurs années, je m'étais juré d'arrêter d'acheter des albums issus d'adaptations de romans. En effet, grand lecteur de romans ou de nouvelles devant l'Eternel, je suis assez réfractaire à ces libres adaptations, parfois faciles.
Pourtant, ce principe finit par souffrir d'exceptions au fil du temps:
- la formidable adaptation du Le Dahlia noir , par Miles Hyman , Matz et David Fincher, qui mérite toute votre attention.
- la fantastique bande dessinée, le mot est faible, de Corominas sur "Dorian Gray", qui même après la lecture du roman d'Oscar Wilde ou du visionnage du film d'Albert Léwin me scotche littéralement sur place.

Pour en revenir à cette adaptation de Guillaume Sorel, je dois dire que je n'y aurais sans nul doute pas prêté attention sans le choix de la maison d'édition de "rue de Sèvres" de sortir cet album en grand format, qui magnifie le dessin de Sorel. Je ne suis guère un adepte de Sorel, je n'ai pas du tout adhéré à la série "Algernon Woodcok", qui l'a révélé, ou encore à son dernier album Hôtel Particulier. Par contre, j'avais adoré l'adaptation, une de plus, du roman, qui a inspiré le lumineux et tragique Les Derniers Jours de Stefan Zweig.
Avec la présente adaptation d'une nouvelle de Maupassant, Guillaume Sorel nous livre là une formidable adaptation, certes assez éloignée , parfois, de la nouvelle originale (le rôle du chat n'est pas aussi présent chez Maupassant) mais l'idée générale de la nouvelle est très bien retranscrite par Guillaume Sorel; en particulier l'univers de Croisset, cher à Flaubert qui est assez bien retranscrit dans cet album.
L'ensemble des pages de l'album dessinées par Sorel est magnifique, en particulier celles consacrées au Mont Saint-Michel.
Guillaume Sorel, par cette adaptation magistrale, s'est entièrement approprié cette nouvelle de Maupassant et lui rend hommage avec brio.
Une très belle adaptation suivie d'une dessin magistral.
Que demander de Plus.

A lire évidemment.

Hervé28 - Chartres - 54 ans - 31 mars 2014