Réformes, mission impossible ?
de Pierre-François Gouiffès

critiqué par Falgo, le 18 février 2014
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
Jusqu'où faudra-t-il tomber?
Cette fois-ci, Pierre-François Gouiffès s'est penché sur la difficulté de réformer l'Etat français. Observateur privilégié, et partiellement acteur, de plusieurs réformes, il a choisi de présenter en détail trois tentatives de réformes parmi les 7 principaux projets gouvernementaux retirés entre 1984 et 2006.
Il s'est donc penché particulièrement sur (pour faire simple): 1. Le grand service public unifié et laïque de l'éducation nationale (Gspulen), élaboré par Alain Savary de 1981 à 1984 et enterré le 12 juillet 1984 par François Mitterrand, en opposition avec une de ses propres promesses électorales; 2. le "plan Juppé" de 1995 concernant à la fois la Sécurité Sociale et l'Assurance Maladie, les régimes spéciaux de retraite et le statut de la SNCF, achevé par le retrait quasi-total du projet en décembre 1995; 3. la réforme de l'administration des finances de 1999-2000, terminée par la démission de Christian Sautter le 27 mars 2000.
Pour ceux qui s'intéressent à ces sujets, il s'agit d'un ouvrage passionnant de bout en bout. Il comporte deux temps.
Le premier embarque le lecteur dans les démarches qui caractérisent chaque réforme: le projet, les acteurs positifs, le planning, les opposants, les manifestations, les discours, les grèves, etc. Chacun des trois projets est ainsi disséqué par la présentation d'éléments publics et de faits d'observation directe.
Le second tente de répondre à plusieurs questions complexes:
-Peut-on apprendre de ces réformes ratées?
-Quelles sont les conditions de préparation, de présentation et de conduite d'une réforme réussie?
-Comment est-il possible de réussir une réforme dans le cadre de l'Etat français?
Plusieurs propositions sont élaborées par Gouiffès en ce sens et rejoignent partiellement celles que Michel Rocard avait explicitées en son temps.
Personnellement, je sens que les dernières lignes de la conclusion de l'ouvrage comportent leur part d'obligeance vis à vis du monde politique, dont je ne peux inventorier les raisons. La lecture de l'ouvrage, d'une incontestable richesse, me fait apparaître plusieurs éléments:
-la plupart des élus politiques manquent du courage indispensable à faire aboutir une réforme nécessaire et difficile,
-ils (ou elles) ne savent pas comment mener une réforme et se révèlent d'une intolérable candeur en ce domaine,
-le poids des conservatismes, des avantages et des protections acquis est souvent plus fort que la nécessité de la réforme et, dans cette optique, les syndicats de fonctionnaires et de salariés jouent un rôle plus que pernicieux,
-il n'existe pas dans la France actuelle d'élu (e) politique porté (e) par le sentiment d'urgence de réformes, par la capacité personnelle et le soutien populaire nécessaires pour les faire aboutir.
Mon opinion personnelle, après la lecture de cet ouvrage, est donc que le pays n'est pas encore tombé assez bas pour que ces diverses conditions soient réunies.