Par-delà bien et mal
de Friedrich Wilhelm Nietzsche

critiqué par Pendragon, le 27 juillet 2003
(Liernu - 53 ans)


La note:  étoiles
Une fois de plus...
Dans cette étude, Nietzsche nous présente son point de vue sur Platon d’une part, mais aussi sur un bon nombre d'autres penseurs ou philosophes, Kant, Bacon, Hobbes, Hume, Locke, Rousseau, etc. Mêlant à cela quelques remarques pertinentes sur la religion, sur les peuples et sur l'homme en général, il tente de démontrer que le tort (éternel et rédhibitoire) de ses précurseurs a toujours été de se placer en fonction d’un Bien et d'un Mal, en fonction d'une morale !
Nietzsche estime pour sa part qu’ « Il n’existe pas de phénomènes moraux, mais seulement une interprétation morale des phénomènes » et donc, il se place « par-delà bien et mal » et développe ses idées en fonction de cet axiome.
Cela donne une œuvre riche et complexe qui soulève bien des points, qui en explicite quelques-uns, mais qui surtout fait réfléchir sur les valeurs en vigueur dans nos sociétés actuelles, héritage évident d’un passé dont on pourrait craindre qu’il se soit un tant soit peu fourvoyé.
Bien entendu, ses idées sont extrêmement intéressantes, toujours d’actualité (plus d’un siècle après) et force m’est de constater que j'adhère une fois de plus à celles-ci !
Auteur maudit 9 étoiles

Lire...

Ou plutôt "savoir lire".

Voilà la règle avec Nietzsche... et qui ne l'applique pas risque bien des déconvenues. Ses oeuvres sont abruptes, sujettes à "mésinterprétation" car très métaphoriques.

Mais pour qui sait lire et décoder, c'est un réel bonheur que de se promener, ou mieux: de danser, avec Nietzsche. C'est un prophète de la libération, de l'épanouissement, un anti-conformiste !

A quel point il aurait ri en voyant ces idiots défilés devant le petit moustachu en se réclamant du surhumain. Il aurait sans doute pleuré juste après.

Et par quel tragique jeu du destin ce même nabot nazi s'est retrouvé avec la canne de marche de l'illustre philosophe... Un seul nom: Elizabeth Nietzsche, vraie nazie celle-là, antisémite à en vomir... Traitresse parmi les traitresses.

Bref, Nietzsche, le seul philosophe selon mon coeur, avec le grand Baruch ! ( et le petit Michel ;-) )

Duncan - Liège - 42 ans - 21 février 2004


Très bon... 9 étoiles

Nietzsche est l'un des rares philosophes, avec peut-être Machiavel, et dans une moindre mesure Stirner, à faire preuve d'une certaine honnêteté intellectuelle - ce dont par ailleurs il est parfaitement conscient, et n'hésite pas à faire savoir - voir par exemple sa critique jubilatoire du cogito de Descartes, et bien que présente comme exemple d'une démonstration plus large, reste digne des meilleurs moments d'Ubik ou de Matrix (bien que plus brève, et plus terre-à-terre =) ).
Pour lui, toute la philosophie jusqu'à maintenant n'a été le jouet que d'enfants qui se disputaient afin de savoir lequel d'entre eux avait raison, ce qui les a poussé à une certaine "paresse intellectuelle", doublée de mauvaise foi et de "tentatives de fonder la morale", choses encore courantes aujourd'hui, et prêtant toujours autant à sourire.
Ce livre est également une superbe critique des idéologies et des dogmes (religieux - particulièrement le christianisme - ou philosophiques -antisémitisme, socialisme, anarchisme, realpolitik, ...), qui limitent l'individu en l'obligeant à une seule interprétation possible des évènements, dogmes qui affirment qu'ils sont "la seule vraie morale, la plus grande de toutes" - à noter que Nietzsche ne réfute absolument pas la possibilité que lui aussi fasse preuve d'aveuglement, et nous incite même à rechercher ses propres contradictions: "A supposer que cela aussi ne soit que de l'interprétation -et vous mourrez d'envie de faire cette objection?- eh bien, tant mieux."

On attribue parfois à tort à Nietzsche une sympathie pour les nazis ou les antisémites, cela étant dû à des textes parfois difficiles à interpréter (ce qui était voulu de la part de l'auteur), mais que sa correspondance rend parfaitement clairs: il méprise totalement les antisémites (plus pour leur manque total d'esprit critique qu'autre chose), ainsi que sa soeur qui détourna certains de ses écrits d'une façon malhonnête dans le célèbre "La volonté de puissance". Le "surhomme" de Nietzsche n'a rien à voir avec le "surhomme" aryen, et en est même l'exact contraire: indépendance de la volonté, remise en question honnête des valeurs sans a priori moral, accroissement des forces vitales, fondement de nouvelles valeurs, etc. Lorsqu'il parle de "races", il ne faut absolument pas prendre ce mot au premier degré -les problèmes de compréhension et du langage en général sont parfois soulevées par Nietzsche dans cet ouvrage.

Ce livre peut être choquant pour des personnes interprétant mal ses propos, ou même pour des personnes les interprétant bien: Nietzsche n'est facile ni dans la forme ni dans le fond pour beaucoup de personnes, car échappant totalement aux critères de bien et de mal.

Excellent livre, et si l'on prend la peine de faire des recherches sur Nietzsche, on sent parfaitement qu'il avait pressenti les dérives totalitaires du vingtième siècle...

(L’épilogue ("depuis les cimes") est cependant assez rébarbatif, même s'il ne fait que trois pages... dommage.)

J.b - - 39 ans - 22 janvier 2004