Avril rouge de Santiago Roncagliolo

Avril rouge de Santiago Roncagliolo
(Abril rojo)

Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers , Littérature => Sud-américaine

Critiqué par Cyclo, le 6 février 2014 (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 337ème position).
Visites : 3 606 

Sanglant Pérou

Avril 2000 : Félix Chacaltana Saldívar est le nouveau substitut du procureur d’Ayacucho au Pérou. Amateur de poésie, il aime rédiger, en fonctionnaire presque modèle, les rapports que lui confère sa charge.
Mais en ce mois d'avril, ça ne se passe pas comme il faut. Il doit enquêter sur un cadavre auquel il manque un bras et qu'on a tenté de brûler. La semaine sainte approche, les touristes affluent dans cette ville dans les années quatre-vingt des affrontements terribles entre l’armée et le Sentier Lumineux. Félix débute son enquête et découvre qu'aussi bien la police (le capitaine Pacheco) que l'armée (le commandant Carrión), le médecin légiste ou le juge semblent peu pressés de faire la lumière sur l'affaire, voire même qu'elle soit classée. Félix est convaincu que le Sentier lumineux fait une résurgence. Comme les autorités, les indigènes qui parlent quechua sont impénétrables. D'ailleurs, bientôt, un deuxième cadavre, tout aussi mutilé, fait son apparition, puis un troisième et un quatrième. Chose étrange, tous sont des personnes à qui Félix a parlé dans le cadre de son enquête. Déjà deux bras et deux jambes ont été arrachés. Et voici qu'Édith, la jeune serveuse de restaurant dont Félix est tombé amoureux et avec qui il s'est disputé - en fait, il l'a même violée (eh oui, le "héros" a ses zones d'ombre, ce qui est rare dans le polar), est dépecée à son tour : son torse a été arraché.
Tout laisse à penser que Félix est l'auteur de ces horribles attentats, il est arrêté, puis relâché. Comme s'il avait pénétré dans les cercles de l'Enfer de Dante. Il finit par comprendre pourtant. Lui, le fonctionnaire naïf, englué dans les règlements, le respect des lois et du code, a été manipulé dans les grandes largeurs. Par ailleurs, le souvenir de la mort mystérieuse de ses parents refait surface. Le monde autour de lui se fissure, tandis que les processions de la semaine sainte battent leur plein.
Très beau roman, plein de bruit et de fureur qui traite d'une page noire du Pérou contemporain. Outre le récit proprement dit, on trouve les rapports rédigés par Félix (en style administratif), les textes écrits par le criminel (une sorte de délire langagier bourré de fautes d'orthographe et de syntaxe), c'est dire la complexité de ce roman qui ne cache rien des exactions de l'armée, en réponse aux violences du Sentier lumineux.

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Sentier lumineux pas mort en 2000 ?

8 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 12 février 2023

Ayacucho, Pérou, Mars 2000, le substitut du Procureur, Félix Chacaltana Saldivar, fonctionnaire loyal, dévoué mais falot et velléitaire, a retrouvé sa ville natale d’Ayacucho, tendance trou perdu et se trouve très vite confronté à des actes qui semblent signifier que le terrible « Sentier Lumineux » (Sendero Luminoso), qui avait causé tant d’attentats et de morts dans les années 80 – 90 (70 00 morts ?!) est de retour.
Du moins lui le pense au vu de l’enquête qui lui a été confiée, une enquête qui concerne un cadavre retrouvé dépecé et calciné.
Lui le pense mais manifestement pas ses supérieurs, la police, l’armée même, qui considèrent sa thèse avec dédain et ne montrent aucune réelle collaboration, pour ne pas dire qu’ils lui mettent des bâtons dans les roues et souhaitent qu’il conclue et classe au plus vite. Et, c’est dit plus haut, Félix Chacaltana Saldivar est du genre loyal velléitaire, un cocktail bien handicapant pour un fonctionnaire censé administré la justice.
L’homme est faible et obéissant. Il est notamment revenu à Ayacucho pour vénérer le souvenir de sa mère, morte, et dont la maison qu’il occupe maintenant constitue un sanctuaire voué à sa mémoire. Mais l’homme est obstiné toutefois et d’autres actes vont s’enchainer pour complexifier toujours un peu plus la situation et la perception des choses …

Plus qu’à une enquête, c’est à un constat sur l’état de son pays dans la situation post-Sentier Lumineux que se livre Santiago Roncagliolo. 70 000 morts lors d’une guerre civile larvée – c’est un peu à quoi peut se résumer la période Sentier Lumineux – ça laisse beaucoup de traces, et de rancoeurs, et nul n’est à l’abri de déraper ou de partir en vrille dans ce contexte. Et en 2000 (maintenant encore ?), le Pérou ne se caractérise pas comme une démocratie solide et sûre de ses bases. C’est un peu la démonstration que fait Santiago Roncagliolo avec Avril rouge.
Cette démonstration me parle d’autant plus que dans ces années 80, où jeune adulte je faisais en sorte de découvrir le monde, j’avais privilégié l’Asie et l’Inde particulièrement à l’Amérique du Sud, à cause précisément du « Sentier Lumineux » dont les exactions avaient un retentissement important (Mario Vargas Llosa en donne un aperçu marquant dans Lituma dans les Andes par exemple).

Une lecture qui n’est pas didactique, qui n’est pas un polar non plus, et qui éclaire bien la société du Pérou au début des années 2000. Précisément le genre de démarche que je cherche à faire en tentant de lire des polars de tous les pays du monde …

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