Souvenirs de l'Ardèche
de Ovide de Valgorge

critiqué par Elya, le 28 janvier 2014
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
L’Ardèche du XIXème siècle
Que connaît-on de l’Ardèche aujourd’hui lorsque l’on n’est pas du coin ? C’est ce que j’ai essayé de découvrir en questionnant différentes personnes rencontrées à travers la France. Un Corse m’évoque les châtaigneraies qui rivalisent par leur nombre et leur rendement avec celles de son île ; une Jurassienne a encore le goût en bouche des caillettes et du fromage de chèvre qu’elle y a dégusté ; un Pyrénéen me raconte ses déboires lors d’une classique descente en kayac des gorges vers Vallon pont d’Arc ; un Breton me chantonne Ferrat ; tous soulignent la beauté des paysages ; mais quel département ne mériterait pas cette mention ?

Et que connaît un avocat Ardéchois du XIXème siècle de l’Ardèche ? C’est en lisant ce gros livre en deux tomes, tous deux disponibles en livre numérique gratuit, que vous l’apprendrez. Il a sillonné l’Ardèche (ou Vivarais, comme il aime appeler le département, avec cette vieille dénomination datant d’avant le XIXème siècle) à pied et nous décrit ce qu’il y a vu et entendu. Pas une vallée n’est oubliée (ou cela ne saute pas aux yeux), depuis les limites au nord avec la Haute-Loire, en passant par la vallée du Rhône, le centre, la limite avec la Lozère, toute la partie Sud plus connue. Au cours de ses pérégrinations, il s’arrête dans les villes, villages ou hameaux, n’hésite pas à escalader des sommets pour avoir une vue d’ensemble. Il avoue se baser sur des sources très diverses et pas nécessairement fiables : « souvenirs historiques, biographiques et anecdotiques, vieilles légendes et vieilles chroniques, descriptions pittoresques, notices étymologiques, examens archéologiques, rapprochements studieux de tous les documents qui peuvent éveiller la curiosité, appréciation minéralogique et géologiques, agriculture, industrie, commerce, mœurs et caractère… » ; ainsi, les propos ne relatent sans doute pas une réalité historique, mais plutôt un point de vue subjectif. Ovide ne cache pas d’ailleurs son « intention patriotique ».

C’est un régal de parcourir l’Ardèche ainsi. J’ai particulièrement apprécié les détails concernant les différents types d’industrie, de commerce et d’artisanat des localités, aujourd’hui pour l’essentiel toutes disparues ou délocalisées (les coutelleries de Montpezat, les violettes de Burzet, les mégisserie d’Annonay, la houille de Prades, les entrepôts de soie d’Aubenas…) et ceux s’attelant à la description des reliefs et paysages ardéchois, notamment lorsqu’ils concernent des endroits que je connais bien : « Jaujac, Thueyts, Montpezat et Antraigues, fertiles et pittoresques contrées sur le sol déchiré desquelles la nature volcanique se montre dans toute sa majestueuse horreur ». Quelques remarques et critiques sur les modes de vie et mœurs paysans, ainsi que les interminables descriptions architecturales d’église, m’ont un peu moins réjouie, mais tout ce qui est autour compense largement.

Pour une histoire régionaliste plus factuelle, mais datant tout de même du XIXème siècle, on préférera peut-être un livre de Albin Mazon (alias Docteur Francus). Tous un fond documentaire lui est d’ailleurs consacré aux archives départementales de Privas, alors qu’aucun site ardéchois ne fait mention à ma connaissance des écrits d’Ovide de Valgorge. C’est dommage, car c’est un regard sur l’Ardèche bien agréable.