Urgentiste
de Patrick Pelloux

critiqué par CC.RIDER, le 24 janvier 2014
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Toujours d'actualité
Fin juillet 2003, une canicule exceptionnelle s'installe sur la France. Les premières personnes âgées ou fragiles commencent à mourir d'hyperthermie et les pouvoirs publics réagissent très peu. A l'hôpital Saint Antoine, le docteur Pelloux, médecin urgentiste et président du syndicat AMUHF, est scandalisé devant tant d'inertie. De nombreux lits d'hôpitaux sont indisponibles pour cause de vacances, les responsables nient l'évidence et Mattéi, le ministre de la Santé ne se rend pas compte de l'ampleur de la catastrophe. Le Président de la République, Jacques Chirac est parti au Canada et son premier ministre Jean-Pierre Raffarin se repose sur la côte d'Azur. Alors Pelloux tire la sonnette d'alarme en annonçant les cinquante premiers morts recensés. Il alerte les médias de la manière la plus tonitruante possible pour que quelque chose soit enfin fait. On lui reproche son activisme et ses engagements politiques et syndicaux. Il faut plusieurs jours pour que le Ministère accouche d'un communiqué mi-figue mi raisin minimisant la situation. Et pendant ce temps, les patients continuent de mourir par centaines à cause de la chaleur. Au total, plus de 15 000 personnes seront victimes de cette catastrophe et de cette scandaleuse incurie technocratique et politique.
Ecrit à chaud, peu après ces tragiques évènements, « Urgentiste » fait partie de ces témoignages que suscitent les éditeurs toujours prêts à surfer sur une actualité brûlante mais aussi fuyante par nature. Au jour le jour, heure par heure et presque minute par minute, le docteur Pelloux nous fait un compte rendu dérangeant des évènements, des tractations, des appels au secours et du magnifique dévouement des personnels hospitaliers. Avec une dizaine d'années de recul, cette lecture pourrait sembler dépassée voire saugrenue. En réalité, il n'en est rien. L'état catastrophique des hôpitaux et des CHU, soigneusement décrit avec ses coteries, son système de mandarinat, ses problème de numerus clausus, la défection des jeunes médecins et l'apport massif de praticiens étrangers, s'est encore aggravé aujourd'hui. Tout comme les fermetures de service, la marchandisation des soins, le paiement à l'acte, la toute puissance des administrateurs et autres technocraties pléthoriques, cette privatisation et le démantèlement d'un service public essentiel sont encore à l'ordre du jour (les récentes grèves des infirmières et des sages femmes n'en étant que les derniers soubresauts). Pelloux et le personnel du terrain pensent que l'hôpital est à tout le monde, que tous, et surtout les plus pauvres, doivent y être soignés, gratuitement si nécessaire. La logique libérale n'est pas d'accord. Un livre intéressant et qui fait réfléchir d'autant plus que ce qui est dénoncé n'a toujours pas trouvé de solution satisfaisante.