L'âge d'or des déficits : 40 ans de politique budgétaire française
de Pierre-François Gouiffès

critiqué par Falgo, le 22 janvier 2014
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
Un enjeu français majeur
On ne l'a pas toujours réalisé, les dettes actuelles de la France ne seront pas payées par nos enfants, mais par nos petits enfants. Ceci est exactement le sujet du livre de Pierre-François Gouiffès. L'auteur possède les qualifications nécessaires à l'établissement de ce constat. Il a retraité l'histoire des dépenses publiques de la France depuis que cela est possible (1190, Philippe-Auguste) et il conclut que l'endettement du Trésor est une constante de son Histoire.
Le financement des croisades et des guerres ont toujours conduit le Trésor à s'endetter, seule la période 1815-1914 a connu la stabilité budgétaire. Les guerres de 1914-18 et 39-45 ont remis le déficit à un très haut niveau. Depuis 1945, la Sécurité Sociale et l'Etat-providence ont pris le relais et fait monter l'endettement de 40% du Produit Intérieur Brut (PIB) en 1974 à environ 86% en 2011.
L'auteur retrace donc la série des décisions politiques qui ont conduit à cet état de fait. Sa conclusion est que la France vit au-dessus de ses moyens et que la facilité du financement de la dette en masque les énormes inconvénients.
Il indique également les quelques tentatives pour redresser la barre et conclut d'abord à l'absence de courage du personnel politique français pour mener à bien ce sur quoi tout le monde est d'accord "en gros". Il souligne le caractère impopulaire des mesures à prendre et leurs conséquences probables sur la réelection des politiques: du coup personne n'ose prendre de risque.
Il ajoute qu'avec l'adoption de l'euro, la France a perdu deux moyens habituels autrefois pour effacer en partie sa dette: l'inflation et la dévaluation de sa monnaie. Privé de ces deux armes, le pays fait porter par le tissu économique les conséquences de ses dépenses et de son endettement.
Il rappelle que, bien entendu, les dépenses de l'Etat constituent les revenus de nombreux individus. Ce qui explique en partie les résistances de tous ceux qui bénéficient, d'une manière ou d'une autre, de la protection de l'Etat et de ceux qui se sont fait vocation de les défendre. Ils oublient que leur protection actuelle sera payée par leurs petits-enfants et l'est actuellement par les non-protégés, puisque ce sont eux qui financent les autres. Truffé de chiffres et de références, l'ouvrage présente des raisonnements implacables qui ne vont pas sans un certain humour, comme le prouve cette citation de Bossuet (p.199): "Dieu rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes."
Il s'agit évidemment d'un ouvrage de politique économique dont la lecture demande une certaine spécialisation. Il est pourtant d'un abord agréable, au delà de la rugosité des chiffres et des tableaux. Un lexique très bien fait termine le livre.