Histoire des colonisations
de Marc Ferro

critiqué par Falgo, le 17 janvier 2014
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
Un champ immense
L'ambition de ce livre est impressionnante: il s'agit d'établir une histoire mondiale de la colonisation.
D'abord une définition: "La colonisation est associée à l'occupation d'une terre étrangère, à sa mise en culture, à l'installation de colons." p.15
Marc Ferro fait commencer ce phénomène au XV° siècle où débute la "véritable aventure coloniale", les actions précédentes (phénicienne, grecque, romaine, russe, etc.) ne possédant pas les mêmes caractéristiques. Le fait générateur semble être l'expansion de l'Islam qui a suscité la réplique des Croisades et, par conséquent, la recherche de différentes routes vers l'Orient: en contournant l'Afrique, vers les Amériques, en traversant l'Afrique et par le Nord (russe essentiellement).
Alors de nombreuses raisons s'entremêlent pour que l'aventure se poursuive: "civiliser, coloniser, faire rayonner sa culture, s'étendre, tels sont les premiers ressorts de l'impérialisme." (p.31). S'y ajoutent des motifs religieux (prosélytisme), économiques (débouchés et matières premières), humanitaires que recouvrent la volonté d'expansion du pays colonisateur et l'exercice de sa puissance dominatrice sur d'autres territoires (plus le fait d'éloigner une population excédentaire et des condamnés judiciaires). Selon les époques, les pays colonisateurs, les destinations, certaines raisons l'ont emporté à un moment donné.
Tout cet ensemble a produit, pour les pays occidentaux, acteurs majeurs de la colonisation, et, plus tard, pour les Etats Unis et le Japon, un état d'esprit de mépris raciste pour les populations locales qui n'est pas sans rapport avec le racisme nazi.
Le livre mêle donc dans une première moitié les faits et les phases par lesquelles sont passés les colonisateurs et leurs théories. Le lecteur se trouve donc face à une description mondiale du phénomène à travers les époques, livrant également une incroyable richesse de réflexions.
La deuxième moitié est consacrée à la décolonisation, c'est à dire aux terribles soubresauts qui ont secoué le monde à divers endroits et à divers moments et où l'esprit colonisateur s'est heurté, de différentes manières, aux nationalismes des colonisés et au phénomène transversal du communisme. Celui-ci a joué un rôle décisif dans la prise de conscience des populations locales et leur mise en mouvement sans pour autant se substituer aux réveils nationalistes.
Le livre se termine par une large réflexion sur les conséquences actuelles de la colonisation (on trouve ainsi une inattendue histoire du "Sentier lumineux péruvien") qui peut se résumer dans cette interrogation: " La colonisation a pris fin, mais le "colonialisme"? (p.515)
Ainsi nous est livrée une somme ahurissante de l'histoire du monde de 1450 à 2000, ce qui ne va pas pour le lecteur sans une difficulté à saisir tout ce dont il est question, sentiment accentué par une rédaction parfois un peu sybilline.