Le Joueur de flûte de Louis Hamelin

Le Joueur de flûte de Louis Hamelin

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 16 juillet 2003 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 084ème position).
Visites : 5 652  (depuis Novembre 2007)

Les Débats de la société nord-américaine.

Louis Hamelin est un écrivain né en Haute Mauricie. Son lieu de naissance a peut-être jeté en lui les germes de son dernier roman, qui se déroule dans un milieu comparable à celui du Joueur de flûte. À ne pas confondre avec la toile du même titre peinte par Carl Plinke, qui se trouve au musée de Hamelin en Allemagne, quoique le message des deux oeuvres se rejoignent. Coïncidence qui rappelle aussi ce conte du moyen âge écrit en 1283 et repris par Mérimée. Le roman de Hamelin et cette dernière évoquent à leur manière la société de leur époque.
L'auteur québécois s'est attaqué à un sujet très représentatif de ce que nous vivons en Amérique. Il a situé son oeuvre sur l'île Mere au large de la province de la Colombie-Britannique. Une papetière y exploite la forêt alors que la tribu des Onani's revendiquent la propriété des lieux, appuyés dans leur démarche par les écologistes et les utopistes. Une revendication qui rappelle celle des jeunes qui se réunissent quand nos dirigeants politiques se rencontrent au sommet pour régler le sort du monde. Le même affrontement avec les forces policières se produit sur cette petite île du Pacifique.
Le héros, Ti-Luc Blouin, apparaît dans ce décor bien malgré lui. Il quitte le Québec à la recherche de son père biologique, l'écrivain utopiste américain Forward Fuse, alias Mister Big, qui a contribué au contingent d'enfants nés de pères inconnus lors de la mode des communes. Cette rencontre très attendue entre un père et son fils sera retardée par la situation d'affrontement qui prévaut dans l'île. Les écologistes bloquent la route aux bûcherons de la papetière, les Onani's tentent d'empêcher la compagnie d'exploiter la forêt à leurs dépens et les utopistes se barricadent pour réclamer «le meilleur des mondes». Cette effervescence captera le jeune héros dans les mailles d'un conflit qui ne peut que mal finir.
La cupidité n'a point d'oreilles. Félix-Antoine Savard l'avait déjà signalé en 1937 dans Menaud, maître-draveur. Soixante-cinq ans plus tard, Louis Hamelin poursuit le combat.
Finalement, Ti-Luc Blouin rencontre son père. C'est l'occasion pour l'auteur de tracer son parcours utopiste. Qu'est-il advenu de tous ceux qui ont rêvé d'un monde nouveau sous l'effet des hallucinogènes? On se rappellera Woodstock, Mai 68, le printemps de Prague. Tous les espoirs étaient permis. Certains ont fait volte-face, mais d'autres ont persisté au grand déplaisir de Francis Fukuyama, qui a fait l'éloge du capitalisme dans La Fin de l«histoire et le dernier homme. Le père du héros est l'un de ceux-là. Réfugié à l'île Mere, il est encore habité par son grand idéal, qui lui vaut le surnom de Mister Big. Mais en paraphrasant la maxime, on pourrait dire que l'utopie fait périr son maître.
Louis Hamelin fait un tour d'horizon de la société nord-américaine avec une justesse incontestable. La spoliation des Amérindiens, la dévastation forestière, la folie et le suicide incitent à une nouvelle mobilisation. On voit le héros appelé aux armes pour défendre le droit à la vie finalement. Ti-Luc Blouin est à mille lieux de ces préoccupations, mais à l'île Mere, il se sent tiraillé entre son destin particulier et celui de la planète. C'est en somme le dilemme que pose Louis Hamelin.
En cela, il est très américain. Il ne voit pas le monde comme des millions de petits destins individuels. Notre identité s'enracine aussi dans un ensemble qui dépasse ce que nous sommes. Le roman américain est indissociable du milieu. Il traîne à sa remorque toutes les valeurs qui doivent s'incarner dans un monde meilleur. On y dissèque moins le bonheur que les milieux épanouissants. Ca répond aux critères de la philosophie américaine : une métaphysique jointe à un sens pragmatique. Avec Le Joueur de flûte, Hamelin a atteint une maturité qui laisse entrevoir avec clarté les enjeux du débat. Il y réussit cette fois avec une plume dépouillée de ses oripeaux linguistiques, qui nécessitaient un dictionnaire à ses côtés.

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Père et fils

8 étoiles

Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans) - 27 mai 2011

Que rajouter à l'excellente critique de Libris Québécis ? Voyons voir... Je pourrais écrire que Louis Hamelin est un des écrivains québécois que je préfère car je le sens habité d'une douce folie et j'aime ses délires. Ah ! quand il s'y met, c'est un vrai régal ! Ensuite, j'aime ses descriptions de la nature sauvage, cela me rappelle Strindberg. Monsieur Hamelin est extrêmement bien documenté et il nomme les plantes et les animaux par leur nom exact et j'apprécie énormément cette qualité chez un écrivain. Ensuite, Louis Hamelin est sincère. Il nous entraîne dans son doux délire avec grâce et panache. Son récit déborde la réalité pour parfois relever d'une métaphysique et d'une recherche empreinte de mysticisme qui n'est pas pour me déplaire.

Par contre, son style risque d'en rebuter plus d'un. Les phrases sont souvent courtes, télégraphiques mais ses descriptions sont fort belles et ses personnages débordent de truculence. L'ïle Mere abrite une communauté bigarrée et pour le moins originale. Luc Blouin explore ce petit monde et découvre des gens tous différents mais semblables dans leur échec devant la vie et leur marginalité. C'est une caractéristique de l'écrivain de mettre en scène des gens paumés provenant de divers milieux et univers sociaux.

Une large place est accordée au combat pour la préservation de la forêt de l'île Mere, convoitée par une entreprise forestière qui ne recule devant rien pour s'approprier ce patrimoine fort lucratif. Les indiens Onani's sont épaulés par une troupe de militants écologistes pour le moins éclectique. Louis Hamelin réussit à créer une atmosphère mystérieuse qui transforme l'île peu à peu et nous la rend presque irréelle. L'objet premier du récit est la recherche de Luc Blouin en vue de retrouver son père et cette recherche finit par passer au second plan éclipsée par le foisonnement des personnages et des situations rocambolesques.

Bref, Louis Hamelin reste fidèle à lui-même avec ce livre dont j'ai apprécié l'écriture précise et le riche vocabulaire. Peut-être l'auteur aurait pu mieux approfondir ses personnages mais bon, nul n'est parfait en ce bas monde.

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