La dernière fugitive de Tracy Chevalier

La dernière fugitive de Tracy Chevalier
(The last runaway)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Alud, le 10 janvier 2014 (Inscrite le 19 janvier 2009, 47 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 057ème position).
Visites : 5 776 

Tracy Chevalier se promène avec bonheur dans les temps et les lieux.

Cette fois, nous sommes dans les années 1850 dans l’Ohio. Honor Bright, après un chagrin d’amour, a émigré d’Angleterre avec sa sœur. Après la mort de celle-ci, elle se retrouve par nécessité, isolée, dans une petite ville, où, sa vie, ses habitudes et ses convictions de jeune quaker vont être bouleversées par cette société du nouveau monde. L’Ohio est traversé d’esclaves qui fuient les plantations du sud pour gagner le Canada où ils peuvent être libres. Ils sont pourchassés par des chasseurs d’esclave mais, Honor, en bonne quaker, à la conviction que tous les hommes sont égaux aux yeux de Dieu.

Tracy Chevalier, avec une grande sobriété de moyens (écriture tenue, descriptions sobres et justes, psychologie des personnages sans bavardages), arrive à faire ressentir à son lecteur la réalité tangible d’un lieu à une époque précise. Aucune grande fresque historique, elle met en place des vignettes réalistes du quotidien, la fabrication des coiffes, le silence des quakers, la vie à la ferme, l’assemblée de prières, l’importance des « quilts », leurs techniques et leurs motifs.

Cette façon, qu’on retrouve dans tous ses livres, d’aborder « l’Histoire » par les détails du quotidien lui permet de développer une intrigue romanesque qui tient aussi bien à la qualité de ses descriptions de la vie dans une communauté quaker qu’à la confrontation de ses personnages à la réalité de celle-ci. Ses personnages très typés mais sans caricatures sont avant tout envisagés par le biais de leur situation et leur rôle social mais, pour elle, ce sont aussi des individus subjectifs, et, bien qu’elle ne s’étende pas sur leur psychologie, elle nous les rend très vivants et intimes.

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Choc des cultures

6 étoiles

Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 44 ans) - 29 mai 2015

De près ou de loin, Tracy Chevalier garde, dans ses romans, un lien avec l'Europe et plus particulièrement l'Angleterre (avec notamment l'Innocence ou Prodigieuses créatures). Si l'action ici se déroule dans l'Ohio du milieu du 19e siècle, l'héroïne est une jeune britannique issue d'une honorable famille quaker. Après une déconvenue amoureuse, Honor Bright décide d'accompagner sa sœur lorsque cette dernière part retrouver son fiancé en Amérique. La traversée de l'Atlantique prendra un mois et aura l'allure d'un cauchemar : même lorsque Grace, sa sœur, succombera à la fièvre jaune, il sera hors de question pour Honor de faire demi-tour et de repartir vers sa terre natale. Commence alors l'immersion dans un pays, une culture, un climat, un mode de vie totalement différents. Un choc pour Honor qui ne verra que dans la bienveillance de la modiste Belle Mills un havre au creux l'hostilité volontaire ou non du Nouveau Monde.

Les thèmes qui seront les piliers de ce roman sont bien entendu la communauté quaker émigrée en Amérique, ses règles de vie, ses paradoxes, mais aussi l'esclavage et le "chemin de fer clandestin" - ce réseau de routes ayant permis à des esclaves de s'échapper entre autres vers le Canada -, auquel les quakers prendront une part active jusqu'aux changements de loi pénalisant toute personne aidant les fugitifs.

Pour régulariser sa situation, Honor se marie avec Jack Haymaker, jeune homme charmant mais qu'elle connait à peine, fils d'une famille de fermiers influents, dont la mère lui interdira rapidement de venir en aide aux clandestins. Incapable de refouler ses valeurs, Honor est pourtant aussi attirée par le chasseur d'esclaves Donovan, en qui elle verra tant un allié qu'un ennemi.

Contrairement à ce qui est présenté par l'éditeur, les personnages qui jalonnent ce roman ne sont pas si hauts en couleur et charismatiques qu'on pourrait l'espérer. On se retrouve avec une héroïne souvent froide et égocentrée, un mari mollasson, une belle-mère caricaturale, de même que la plupart des autres intervenants - Donovan, la brute sensible, Belle, la rebelle au grand cœur, Mme Reed, l'affranchie faussement dure, Dorcas, la belle-sœur distante mais qui ne l'est pas vraiment... Bref, s'il n'y avait cette immersion dans la culture des Amis - nom que se donnent les quakers - et leur rôle dans la démarche abolitionniste des années 1850, ce roman n'aurait pas un intérêt majeur. On découvre, il est vrai, l'art du Quilt cher aux Quakers, mais le récit souffre d'une abondance de détails domestiques qui donnent à la parole d'Honor Bright le ton d'une certaine condescendance quant à ses congénères féminines. L'évolution de son dilemme moral (famille versus lutte contre l'esclavagisme, désir versus raison) est relativement décevante, de même que la manière dont seront détricotés les nœuds dramatiques de l'histoire.

Découvert pour ma part dans une version audio (lue par Benjamin Jungers et Sarah Stern), cela s'écoute avec plaisir, et puis ce roman comporte tout de même informations et mises en lumières intéressantes. D'autant que la communauté Quaker reste assez confidentielle dans nos contrées et qu'il est bon d'avoir un éclairage sur les forces et les faiblesses de ce courant assez humble qui voit dans la relation directe avec Dieu et la méditation collective l'expression pure et véritable de la foi.

Défendre ses principes coûte que coûte

9 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 56 ans) - 1 février 2014

J’ai beaucoup aimé ce roman, plus encore que les autres de Tracy Chevalier. Le récit n’est pas aussi lent et est continuellement soutenu par une tension.
En 1850, la jeune Honor Bright accompagne sa sœur Grace qui part dans l’Ohio pour épouser Adam Cox, un compatriote anglais récemment émigré. Lors de la traversée de l’Atlantique, Honor est tellement malade qu’elle sait qu’elle ne pourra jamais faire marche arrière, mais à l’arrivée, sa sœur décède de la fièvre jaune. Honor poursuit sa route, fait la connaissance d’une modiste, Belle, qui l’héberge brièvement, ainsi que de son frère, Donovan, chasseur d’esclave en fuite. Ensuite, elle est accueillie assez froidement chez les Cox. Trouvera-t-elle sa place ? Arrivera-t-elle à s'adapter à cette vie aride, de dur labeur, dans un pays aux coutumes si différentes, où les Amis transigent sur leurs principes pour obéir à la loi contre les esclaves fugitifs ?
Le destin d’Honor est touchant. Le lecteur se représente bien sa détresse, sa solitude, son désarroi seule si jeune dans un pays où elle ne connaît personne et où les habitudes sont si différentes de chez elle. Elle semble si fragile, sans défense ni protection. Même ce qu’elle connaît très bien, la couture des quilts par exemple, est décrié par celles qui l’entourent et qui préfèrent d’autres méthodes, même si elles sont moins douées.

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