C'est le coeur qui meurt en dernier (Récit)
de Robert Lalonde

critiqué par FranBlan, le 6 janvier 2014
(Montréal, Québec - 81 ans)


La note:  étoiles
C’est beau en diable !
«J’ai été celui qui a eu raison de t’aimer, puis raison de te haïr et de s’enfuir, raison de faire sa vie loin de toi, et finalement raison de rentrer, même s’il se fait tard », écrit Robert Lalonde.
C’est un portrait de mère original que nous propose l’auteur dans ce récit intitulé C’est le cœur qui meurt en dernier. Une expression de sa mère, avec qui il n’a jamais eu le dernier mot, dans la vie comme dans la fiction.
Robert Lalonde est un homme de théâtre, qu’il enseigne d’ailleurs, un grand comédien, que l’on voit à la télé au Québec depuis plusieurs années, dont la voix magnifique me séduit toujours et un auteur prolifique que je lis pour la première fois.

On ne peut pas se détacher facilement de cette lecture…
Sa mère est morte. Depuis longtemps déjà. C’est à elle qu’il s’adresse néanmoins dans ce récit. Comme s’il voulait replonger dans leur intimité, la recréer. Comme si leur dialogue n’avait jamais cessé au fond de lui. Comme s’il cherchait encore à comprendre.
Comprendre la nature de leur fougueuse relation. Comprendre qui était vraiment cette femme qui lui a donné la vie. Et se comprendre lui, à travers elle. Comprendre enfin le fils qu’il a été et l’homme qu’il est devenu. Comprendre les traces qu’elle a laissées en lui. Comprendre sa vie à elle, sa vie à lui.

C’est d’un portrait qu’il s’agit. Un portrait en dents de scie. Effectué par à-coups. Par le biais de petites scènes, d’incursions dans la vie quotidienne, de bouts de conversation, de photos d’un autre temps, de non-dits révélateurs, comme autant de morceaux choisis.
C’est d’abord sa mère que Robert Lalonde place dans la lumière. Même si… « Je sais que tu n’aimes pas ce que je fais aujourd’hui, tu n’aimes pas que je t’ébruite comme je le fais, à tout vent. Apparaître en pleine clarté te désespère, t’enrage, même, je le sais.»
Il ne s’agit pas d’un livre-hommage pour autant. D’une ode à la mère morte. Pas de lunettes roses, de complaisance. Une grande affection, oui. Un attachement profond. Mais aussi de l’agacement, des déceptions, de la tristesse, de la révolte, du malheur qui remontent à la surface, tandis que Robert Lalonde plonge dans les souvenirs qui le relient à sa mère.

Ce personnage énigmatique, l’auteur nous le donne à voir dans le désordre des années, parfois dans sa jeunesse et sa vieillesse mêlées. Mais chaque fois, le fils est là qui observe, qui s’agite, ou qui tourne le dos, avec à l’intérieur de lui des sentiments contradictoires, des questions sans réponse, une sensibilité à fleur de peau.
Robert Lalonde aura mis plus de 40 ans à achever son récit. Besoin de cette distance pour ne pas laisser le ressentiment prendre le dessus, pour ne pas se laisser submerger par la « rancune volcanique » qui l’habitait, explique-t-il à la toute fin.

J’ai beaucoup aimé. J’ai trouvé le conteur Robert Lalonde, l’homme mûr qui a eu le courage de revisiter ses souvenirs, de revisiter avec une infinie tendresse cette mère. Tout est empreint de simplicité, de beaucoup d’humour. C’est un très, très beau récit.
C’est la relation entre un fils et une mère sans jugement, avec tendresse, et ça finit par l’amour. C’est beau en diable !