le renouveau indien aux Etats-Unis : un siècle de reconquêtes
de Joëlle Rostkowski

critiqué par Heyrike, le 8 juillet 2003
(Eure - 56 ans)


La note:  étoiles
"Vous pensiez que John Wayne nous avait tous tués...
...eh bien, vous vous trompiez ! " ( Russell Means 1981)
Le massacre de Wounded Knee en 1890 sonne le glas de la résistance Amérindienne sur le continent Nord Américain, les survivants du génocide sont parqués dans des réserves aux terres arides et poussiéreuses où s'abîment les larmes de tristesse des nations Indiennes vaincues et humiliées, durant les années 1890-1930 les Indiens sombrent dans une torpeur funèbre. C'est durant cette période que le taux de natalité est le plus bas, faisant croire à certains "observateurs" de Washington que les Indiens sont destinés à complètement disparaître, d'ailleurs beaucoup d'Américains de cette époque pensent qu'il n'y a plus d'Indiens vivants aux Etats Unis.
En 1934, la loi de Réorganisation instaurée par John Collier, commissaire aux affaires indiennes, stop
le démembrement des réserves orchestré par la loi du lotissement de 1887 qui a vu fondre les territoires Indiens comme neige au soleil, et renforce le statut de spécificité des Amérindiens. Même si cette loi reste, encore de nos jours, controversée aussi bien par certains Indiens que par des blancs, elle n'en demeure pas moins comme une initiative audacieuse de défense du droit des Indiens, qui plus est par un blanc.
En 1953, le gouvernement adopte la "Termination Policy" (solution définitive au problème indien), dont les objectifs visent à "vider" les réserves de leur population, à supprimer l'aide fédérale, au désengagement moral et historique vis à vis des Indiens, à l'assimilation les Indiens dans les grands centres urbains afin d'éliminer toutes traces de leur existence. Si certaines tribus acceptent contre de l'argent la liquidation de leurs réserves, rapidement un revirement s'effectue lorsqu'ils constatent qu'une fois de plus ils se sont fait duper par la perfidie de l'administration.
La résistance Indienne s'organise, à travers deux cas : celui des Taos Pueblo qui réclament la restitution du lac bleu (lac sacré et lieu de culte), accaparé par l'office des forêts, et celui des Senecas qui s'opposent à la construction d'un barrage sur leur territoire. Les Taos reconnus propriétaire légitime de ces terres obtiennent une indemnisation en échange, ils refusent et décident de lutter (ils récupéreront le lac bleu en 1973). Les Sénécas perdent leur procès et sont dépossédés d'une grande partie de leur territoire. Ces deux affaires font prendre conscience aux différentes tribus Indiennes de l'urgence à créer un mouvement de solidarité, le Pan-Indianisme est né.
Les années 1960-1970 sont riches en événements, les tribus se regroupent notamment au sein du NCAI ( Congrès National des Indiens d'Amérique) pour défendre leurs droits, tandis que les Indiens des villes accélèrent le processus de revendication en créant l'AIM (Mouvement des Indiens Américains), et adoptent des mesures plus drastiques sous forme de manifestations d'envergure nationale : occupation d'Alcatraz en 1969, occupation des bureaux du BIA à Washington en 1972, occupation de Wounded Knee en 1973 ( la plus grande épreuve de force entre le gouvernement et les Indiens depuis 1890), la traversée des Etats Unis en une "Longue Marche" de 5500kms pour alerter l'opinion publique sur le sort misérable des Indiens. Parallèlement à cela l'émergence d'écrivains Indiens comme Vine Deloria et Norman Scott Momaday enclenche une "reconquête" de l'histoire Indienne déformée depuis plusieurs décennies par le révisionnisme consensuel de l'Amérique blanche. Petit à petit les Amérindiens reprennent leur destin en main, parvenant même à s'imposer sur la scène internationale en envoyant des représentants à l'ONU, en créant des associations qui obtiennent le statut d'ONG et après des années d'efforts ils parviennent à fédérer l'ensemble des mouvements autochtones de la planète au sein des différentes organisations internationales, qui ensemble sont à l'origine d'un projet de "déclaration universelle des droits des peuples autochtones". Projet non abouti pour l'instant mais porteur d'espoir.
S'il y a eu quelques rapprochement avec d'autres mouvements de contestation, comme le Black Power, les Indiens ont toujours veillé à maintenir leurs revendications, liées essentiellement à la restitution de leur terre, hors du champ contestataire pléthorique de cette époque si agitée.
Les Américains, d'abord enclin à manifester leurs soutiens aux Indiens, taraudé par un sentiment de culpabilité sur leurs responsabilités historique, commencent petit à petit à s'inquiéter puis à désapprouver les actions spectaculaires engager par l'AIM, ce qui a pour effet de créer à rebours un sentiment anti-Indiens à la fin des années 1970. Que ce soit parmi les blancs mais aussi parmi les Indiens les méthodes de l'AIM sont jugées trop dures en comparaison de celle plus modérée du NCAI, qui recherche plutôt les solutions concertées. A partir des années 1980 la bataille pour la défense des droits des Indiens est menée dans les salles de tribunaux, c'est là que les Indiens commencent à mieux maîtriser leurs droits territoriaux et les énergies non renouvelable, dont les sous-sols des réserves sont riches, en s'opposant aux méthodes abusives des grandes compagnies d'exploitation et en exigeant des contrats équitables et profitables aux habitants des réserves.
Sur le plan culturel des artistes de plus en plus nombreux s'imposent et font reconnaître l'art Amérindien comme un art à part entière. Des universités Indiennes se créent un peu partout aux Etats Unis, qui soutiennent tous les aspects culturels trop longtemps ignorés.
Avec l'ouverture de casinos sur les réserves, dont le plus célèbre est celui de la tribu des Péquots ( L'histoire de cette tribu est, en soi, extraordinaire car après avoir disparu elle est parvenue à ressurgir des oubliettes de l'histoire), les Indiens réussissent ainsi à faire valoir leur droit à l'autodétermination en obtenant l'autorisation fédérale de gérer leurs propres options de développement. (même si on peut craindre l'effet pervers des méthodes tout droit issu du système capitaliste des blancs, dont ils ont tant souffert).
Rien n'est réellement acquis définitivement, car les Amérindiens sont, depuis plus de 150 ans, les victimes d'une politique à géométrie variable dont les mesures pro-indiennes un jour deviennent anti-indiennes le lendemain, au fur et à mesure du changement des dirigeants du pays. Il ressort du livre de Rostkowski que durant le siècle dernier les Amérindiens ont réussi à affirmer, grâce à une politique d'union, une volonté d'infléchir leur destin, si longtemps marquer par la souffrance, vers une reconstruction de leurs identités et la protection de leurs spécificités, auxquelles ils tiennent tant.
Cette critique, que j'ai tenté de faire la plus courte possible (pas facile), se veut comme une tentative de donner envie à ces lecteurs de s'intéresser un peu plus aux peuples Amérindiens et plus généralement aux peuples autochtones de tous les coins du monde. Car j'ai la conviction qu'ils sont les seuls à avoir su conserver une vision lucide sur l'existence et d'êtres les détenteurs de la quintessence existentielle originelle, qui nous fait tant défaut à nous "civilisations décivilisées" occidentales, pourfendeur de la différence et promoteur de l'uniformisation de la pensée, de la culture, de la civilisation, de la croyance, etc.. (les nôtres bien sur, la blanche, la catholique, en un mot "la normalité"). Et puis une autre raison aussi, comprendre la politique des nations occidentales à travers
leurs histoire et tout particulièrement celle des Etats Unis vis à vis des Indiens éclaire de façon étonnante l'état du monde aujourd'hui et démontre que les choix de société qui nous sont présentés comme étant les seuls possibles sont en faits une suite logique de plusieurs siècles de politique visant à asservir le plus grand nombre pour assouvir les besoins d'une poignée de gens avides, cupides, égoïstes, sans scrupules et prêts à tout pour parvenir à leur fin.
Quand, maintenant, je repense à cette période où le monde a tremblé à l'idée d'un déferlement du communisme sur la planète ou plutôt devrais-je dire qu'on nous a fait trembler en suspendant au-dessus de nos têtes la menace rouge, et que pendant ce temps là l'impérialisme Américain et d'ailleurs grignotait petit à petit notre joli monde (n'a t-il pas fallu remplacer l'ennemi rouge, disparu soudainement, de toute urgence pour le remplacer par un ennemi potentiel et justificateur de l'expansionnisme occidental ?), j'aurais envie d'en rire si la situation ne m'apparaissait pas si alarmante.
Le combat des peuples autochtones doit faire réfléchir sur leurs motivations et leurs envies absolues de préserver ce rapport si particulier qu'ils ont avec la nature, cette façon si harmonieuse de l'entretenir comme le bien le plus précieux qu'il leur a été donné de posséder ou plus exactement de cette appartenance mutuelle basée sur la réciprocité équitable et sans équivoque du partage et du don.
Un très bon livre instructif, bien construit et qui met en lumière la réalité du combat passé et présent des Amérindiens, bien loin des images distordues par le prisme de l'idéologie des "vainqueurs".