Le Dilemme du prisonnier
de François Lepage

critiqué par Libris québécis, le 31 décembre 2013
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Du collectif et de l'ndividu
Le film Les Faussaires illustre parfaitement la ligne discursive de François Lepage dans Le Dilemme du prisonnier. Devons-nous agir en fonction d'intérêts personnels ou en fonction d'intérêts communs ? La question touche des cordes particulièrement sensibles, d'autant plus que certaines situations remettent en cause les valeurs séculaires de la collectivité. Cette dernière doit-elle s'adapter aux nouvelles donnes ou se replier pour défendre son patrimoine intellectuel ?

François Lepage analyse la trajectoire suivie par l'individu appelé à adapter ou non son comportement aux circonstances. Le scénariste des Faussaires a mieux traité de la problématique en ne s’en tenant qu'à un seul cas, celui des juifs condamnés au camp de la mort, qui se demandaient s’ils devaient participer à de la contrefaçon pour le compte du régime nazi afin de sauver leur vie. La résolution du dilemme les a placés devant un nœud gordien. En fait, devaient-ils agir en fonction de la morale ou en fonction de la rationalité qui leur épargnerait la mort sur-le-champ. Quant à François Lepage, il a cherché des exemples dans tous les continents pour illustrer qu’une conduite consensuelle produit une plus grande harmonie, selon la théorie des jeux utilisée en mathématiques, appelée plus populairement le dilemme du prisonnier.

François Lepage examine cette dichotomie à travers un professeur français qui préconise l'islam dans une université américaine, et une écologiste qui œuvre en Afghanistan pour une ONG, dirigée par un trafiquant de drogue soumis aux caprices d'un mollah sanguinaire. Religion, politique et aide humanitaire sont interpellées sur les choix à privilégier. Leurs actions ne peuvent loger à l'enseigne de la neutralité. Chacun apprend à ses dépens que la liberté est soumise à la susceptibilité des agents qui gravitent autour des pouvoirs de tout ordre.

La technicité véhiculée par ce roman est incarnée à travers une fiction qui délaisse les émotions des personnages pour se consacrer uniquement aux prémisses de la conduite humaine. Il en résulte un roman froid, hormis le passage de la douanière en pantoufles Snoopy qu'elle porte à cause de son obésité après un recours judiciaire qui a établi la primauté des besoins individuels au détriment des normes établies. Ce roman est certes d'un grand intérêt, mais sa facture romanesque souffre de son didactisme jusqu’à son dénouement en quatre points pour que le lecteur apprécie les conséquences des choix que nous faisons. L'élégance de l'écriture donne heureusement à l'ensemble une viabilité qui milite en sa faveur.