Les coulisses du commerce équitable : Mensonges et vérités sur un petit business qui monte
de Christian Jacquiau

critiqué par Elya, le 23 décembre 2013
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Max Havelaar et les autres
Depuis que je fais mes courses dans l’enseigne Biocoop, je trouve beaucoup de produits étiquetés de la mention « équitable » et particulièrement de la marque Max Havelaar. J’ai donc acheté du thé, du chocolat et du cacao « équitable », sans le vouloir vraiment. Pour autant, je n’ai pas eu l’impression d’avoir usé d’altruisme et d’avoir fait une bonne action. Je ne sais pas pourquoi, ce « label » (qui n’en est pas un, nous le verrons) m’a toujours laissé indifférente, comme ces minuscules boutiques d’Artisans du Monde toujours vides et vendant des « trucs en laine » que je jugeais moche. A la bibliothèque, je suis tombée sur ce livre écrit en 2006, et qui tombait à point nommé. J’allais pouvoir en apprendre plus sur cette appellation, et de source peut-être plus fiable que celles des emballages des contenants alimentaires.

Je n’irai pas jusqu’à jeter mes produits achetés récemment, mais on ne m’y prendra plus ; l’ « équitable » Max Havelaar, vaste supercherie, numéro 1 du marché, à la politique et transparence douteuse, au mercantilisme vaillant, non merci. Les conclusions de cette enquête de Mr Jacquiau vont jusqu’à me questionner sur la gestion des Biocoop qui commercialisent tant ces produits sans éclairer le consommateur sur les problèmes potentiellement sous-jacent. Peut-être ne sont-ils pas au courant ? Dans ce cas, la lecture de cet ouvrage pourrait être salutaire.

Certes, ce livre n’est pas un modèle d’organisation méthodique d’argumentaire, ni de rigueur scientifique. Je regrette que l’auteur, exerçant à la chambre des commerces, n’ait pas déclaré ses potentiels conflits d’intérêts avec les différentes entreprises citées, ou ne nous ait pas plus renseigné sur ses motivations à réaliser cette enquête, ni sur les manières dont il a procédé. Cela nous aurait permis d’éviter d’avoir envie de lui faire des procès d’intention. Une meilleure structuration de l’argumentaire, des résumés des différents chapitres ou des limites du commerce équitable tel qu’il est présent sur le marché aujourd’hui, auraient aussi été bénéfiques.

Nous pouvons donc émettre quelques réserves quand aux conclusions que l’on peut tirer de cet ouvrage, qui s’inscrit dans le cadre d’une critique du processus de mondialisation, pourvoyeur et entreteneur d’inégalités. Il n’empêche, on ne pourra que se questionner profondément sur la confiance à accorder à l’entreprise Max Havelaar, à tous ses produits délivrés, à ses liens avec d’autres enseignes (Macdo, Starbucks, Nestlé…). Le titre de cet ouvrage aurait pu être « Les coulisses de Max Havelaar », car c’est surtout à cette marque que l’auteur s’intéresse. Il en retracera un bref historique, mais il s’agira surtout de dessiner les liens qu’elle tisse avec d’autres marques et entreprises, de mettre en avant l’ampleur du marché qu’elle s’octroie par des pratiques douteuses et souvent dissimulées, de s’interroger sur les aides publiques importantes qui lui sont délivrées, au détriment de ses concurrents plus petit et à la politique potentiellement plus saine. Il s’agira aussi de définir ce qu’on entend par commerce équitable, et par quoi cette appellation est protégée (pas grand-chose, et en aucun cas un label, comme Max Halevaar le prétend en jouant sur les mots). Au passage, l’auteur rappellera les pratiques néfastes des grandes surfaces (notamment les marges arrière), alliées de Max Halevaar.
L’auteur ne s’abstient pas de comparer les coûts et les gains d’un produit équitable versus non équitable. Il s’interroge sur l’intérêt d’avoir monté des coopératives dans les pays du sud qui se substituent à des activités locales socialement importantes, et qui imposent des modes et lieu de vie aux paysans qu’elles réunissent sans nécessairement solliciter leur avis. Tout cela pour une augmentation peu significative de leur paie.

Le concept du « commerce équitable » n’est en aucun cas à mettre à la poubelle. L’auteur n’hésitera d’ailleurs pas à témoigner d’initiatives plus saines, notamment celles du réseau Minga, et de l’approche « filière » plutôt que produit.

Dans tous les cas, nous nous devons de nous interroger en tant que professionnel ou consommateur sur ce que l’on entend par « équitable ». Est-ce que nous souscrivons à l’achat de ce type de produit par effet de mode, parce que nous voulons donner à nos dépenses une petite touche « ethnico-éthico-équitable » très tendance ? Ou est-ce un acte réfléchi, certes coûteux en argent mais également en temps de recherche d’informations, mais producteur ?