La peste soit de l'Amérique
de Sholem Aleikhem

critiqué par AmauryWatremez, le 16 décembre 2013
(Evreux - 54 ans)


La note:  étoiles
les lettres de Menahem le "songe creux"
Les éditions Liana Levi ont l'excellente idée de rééditer dans la collection « Piccolo » le recueil des chroniques de Menahem Mendl, habitant d'un « shtel » d'Europe de l'Est proche de Kiev qu'il appelle « Yeoupetz » ayant eu l'idée bizarre aux yeux de ces semblables d'émigrer en Amérique pour devenir grand spécialiste de la bourse considérant que comme il est déjà doué pour négocier sur le marché, il y arrivera tout aussi bien à Wall Street. Mais au moins évitera-t-il de prendre le risque de se faire massacrer dans un pogrom ou un autre...

Il évoque la difficulté de célébrer les fêtes traditionnelles dans un peuple pour lui « impie », dont « Pessah » ou « Sukkot », et les divertissements des peuples étranges qu'il découvre autour de lui dont le théâtre de Broadway, et ses « girls » tentatrices, ou les cabarets sur la « grande voie blanche ». La préface parle de Mark Twain mais l'auteur de ce recueil épistolaire rejoint également Groucho Marx et Woody Allen dans la grande tradition de l'humour juif new yorkais, un humour de sales gosses qui aiment tourner en dérision les ridicules et les vanités.

C'est toujours un peu le principe de l'indien ou du huron découvrant le monde occidental et ses coutumes si étranges, ici un juif « hassidim », qu'il décrit à sa femme et ses amis en leur écrivant chaque semaine une lettre en « yiddish », ici il faut signaler le talent de la traductrice qui fait un travail d'adaptation remarquable, Nadia Déhan-Rothschild même s'il reste des termes intraduisibles, le yiddish étant comme tous les « pidjins » de minorités d'abord conçu pour embrouiller les représentants de l'autorité qui auraient la mauvaise idée de contrôler les papiers de l'émigré clandestin qu'est Menahem qui ressemble par bien des traits au personnage du vagabond de Chaplin.

Menahem se fait enguirlander par sa femme du fait des « mauvaises » rencontres qu'il pourrait faire et qui pourrait le détourner de la « vraie » foi juive, dont les nombreux rites « koscher » dont certains n'existent, il le reconnaît lui-même que pour enrichir les rabbins. Lui-même s'extasie devant les « merveilles » qu'il découvre, dont les sandwiches vendus dans la rue, et peste contre tous les problèmes liés au fait d'être d'une communauté méprisée par les « W.A.S.P ». Il rencontre d'autres émigrés pauvres, d'autres origines que la sienne, parfois de ces anciens « ennemis héréditaires » comme des turcs qui subissent les mêmes souffrances que lui à New York et avec lesquels il est bien obligé de rechercher une fraternité, celle des miséreux.