Dixie de William S. Messier

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 24 novembre 2013 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 7 étoiles
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Vivre le long de la frontière américaine

Dans la pièce Zone, Marcel Dubé aborde la contrebande, qui sévit à la frontière entre le Québec et les États-Unis. Son héros s’adonne au trafic des cigarettes américaines très en vogue dans les années 1950. Avec Dixie, William S. Messier nous transporte à son tour près des lignes, comme on dit communément. Né à Cowansville en 1984 dans Brôme-Missisquoi, il parcourt les villages de sa région natale tels que St-Armand, Bedford, Frelighsburg, Dunham et Stanbridge. En dehors des circuits paisibles empruntés par les touristes en quête de vignobles et de vergers, l’auteur fréquente l’underground villageois composé de bums (voyous) et de ti-counes (gens peu futés) vivant en marge de la rectitude.

Au volant de pick-up, voire avec des moissonneuses-batteuses, de jeunes hommes désinvoltes arpentent des chemins peu carrossables pour traverser la frontière ou pour s’adonner à des commerces illicites tels que la fabrication du moonshine, un alcool frelaté qui a vieilli dans des barils de chêne remplis "de bouts de tires (pneus) et de t-shirt à l’effigie de Black Sabbath, de vis galvanisées, de pinottes BBQ (arachides), de cennes noires (monnaie)" et d’autres ingrédients aucunement prescrits par le canon de la recette traditionnelle. Bref, Brôme-Missisquoi sent la testostérone à plein nez. Il n’est donc pas surprenant de croiser, le long du Chemin Dutch (la 235), des évadés de prison, des voleurs de grands-chemins qui dévalisent les boucheries pour se livrer au trafic de la viande, des travailleurs clandestins venus du Vermont pour aider les producteurs agricoles au moment des récoltes.

Les touristes du dimanche, en quête de coins paisibles, ne se doutent pas des activités peu orthodoxes que l’on mène en retrait des grands axes routiers. À l’abri des regards curieux, la vie bat à un rythme infernal. Sous une futaie de ronces hantée par les coyotes se déploie un monde viril, ouvert aux adolescentes. Elles ajoutent un brin de poésie à cet univers musclé, où tous s’entraident de part et d’autre de la frontière. Il y a un va-et-vient qui profite à chacun même s’il survient parfois des incidents malheureux que camoufle une riche nature. Le roman n’est pas enrobé de guimauve, mais la musique vient à la rescousse des plus sensibles. Le jeune Gervais a découvert un banjo déwrenché (abîmé), duquel il tire des sons qui le consolent de ses fortes émotions occasionnées surtout par sa cataplexie. Son handicap n’est pas une cause de rejet. Il fait partie de la gang (fém. au Québec). En somme, ces villageois de la marginalité présentent une belle image de solidarité, maintenue depuis des générations.

L’auteur, devenu montréalais, renoue avec ses racines. Il aime son coin de pays traversé par la rivière aux Brochets. Pour rendre hommage aux siens, il a concocté, dans une langue voisine de l’oralité, une œuvre intéressante sur sa filiation. Comme une légende, son récit, un peu trop magmatique, s’attache au quotidien fabuleux d’une population frontalière aux prises avec le respect de la légalité.

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