L'Homme de l'année, Tome 5 : 1871 - L'un des héros de la commune de Paris
de Jean-Pierre Pécau, Benoît Dellac (Dessin)

critiqué par JulesRomans, le 11 janvier 2014
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
Les Bretons n’étaient pas tous à Conlie et n’envoyaient pas des cartes postales en Algérie !
Cette BD remet en mémoire l’épisode sanglant de la Commune dont la mémoire est toujours entretenue. Toutefois le récit le fait en mettant en scène des personnages appartenant à des groupes (Bretons et soldats turcos) qui (dans leur ensemble) ont plus participé à la répression de la Commune qu’à sa défense.

On pourrait croire que le scénario part de la nouvelle "Le turco de la Commune" parue dans "Les contes du lundi" avec une petite différence Alexandre Daudet (d’ailleurs père de Léon Daudet) montre un petit timbalier indigène des tirailleurs algériens Kadour, qui se retrouve sans le savoir aux côtés des fédérés contre les Versaillais et croit tirer sur les Prussiens alors qu’il tire sur des soldats français:

« Vaguement, dans son idée de sauvage, il se figurait que c'était là cette armée de délivrance, Faidherbe ou Chanzy, que les Parisiens attendaient depuis si longtemps. Aussi comme il était heureux, comme il leur riait de toutes ses dents blanches !... En un clin d'oeil, la barricade fut envahie. On l'entoure, on le bouscule.

"Fais voir ton fusil".

Son fusil était encore chaud.

"Fais voir tes mains".

Ses mains étaient noires de poudre. Et le turco les montrait fièrement, toujours avec son bon rire. Alors on le pousse contre un mur, et ran !... Il est mort sans y avoir rien compris... »

En fait un interview de Jean-Pierre Pécau, réalisé par Shelton sur RCF en Côte d'Or le lundi 20 janvier (et qui sera retranscrite ensuite sur le blog de CL), révèle que les scénaristes ont d'abord appris l'existence de ce jeune Éthiopien, dont le parcours singulier se termine par une mort du fait des troupes versaillaises, en visitant le château d'Antoine Abbadie à Hendaye.

L’explorateur Antoine d’Abbadie a effectivement ramené de ses voyages au Soudan et en Éthiopie un jeune indigène et ce dernier a servi, pour sa patrie d’adoption, comme turco en Italie (à Solférino), en Algérie et durant la Guerre de 1870 (la bataille de Wissembourg est fort largement développée dans l'album).

Ceci nous vaut des images autour d’Antoine d’Abbadie à la fois dans le Pays basque dans les années 1850 et fin 1871 mais aussi dans les années 1848 ou 1849 en Abyssinie où il est à la recherche des sources du Nil. Par ailleurs les très violentes conditions dans lesquelles se fait la conquête de l'Algérie sont vraiment bien mises en scène. Cerise sur le gâteau pour ceux qui rechercheraient des images de Rimbaud dans la BD; ce dernier alors, collégien à Charleville dans les Ardennes (le collège est municipal et le lycée est d'état mais ils scolarisent alors les mêmes tranches d'âge), est présenté arrivant suite à une de ses nombreuses fugues à Paris au moment de la Commune (présence authentique) et déjà fasciné par l’Abyssinie.

Ce que j’aime dans les albums de cette série de BD historique que j’ai lus est que la dimension fictionnelle s’insère magnifiquement dans l’événementiel pour élargir notre univers culturel.

Pour comprendre les allusions contenues dans le titre, il est conseillé de lire la page wikipédia sur le camp de Conlie http://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_de_Conlie