Retour à Tabarka de Bernard Clesca

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Retour à Tabarka de Bernard Clesca

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Gelsomina, le 15 novembre 2013 (Inscrite le 15 novembre 2013, 74 ans)
La note : 10 étoiles
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Retour à Tabarka

Pour l’auteur qui tente d’accomplir un retour vers les terres de son enfance « comme on va en pèlerinage vers des lieux saints » il est nécessaire, au préalable, de mettre en œuvre des rituels précis dont l’écriture est le véhicule le plus familier et cependant risqué, car ce voyage vers le passé semble plutôt éprouvant puisqu’il ressuscite à travers le cheminement non linéaire de la mémoire « entre soleil et ombre », les instants douloureux de l’effacement du bonheur, d’une blessure secrète et de la disparition des siens.
D’abord, le journal de sa grand-mère Louise, à Taliouine, au Maroc, pittoresque et prophétique à la fois ; puis à travers son propre style, elliptique mais superbement maîtrisé, l’évocation de sa propre enfance tunisienne, « l’éclatante lumière de la terre natale, maghrébine que ni les différences humaines ni l’ombre de la mort ne paraissent devoir éclipser »… L’auteur se parle à lui-même dans le jeu d’une triade : je, tu, il, « dans une sorte de curiosité de soi des êtres et des choses qui établit que nous sommes celui-ci et non celui là ou tel autre, au fil des jours, des nuits, des saisons ». Et sa singularité d’écrivain lui permet de s’approcher au plus près de lui-même, de ses chimères d’alors, superposant les paysages franc-comtois et méditerranéens en une harmonie parfaite, évoquant, seul témoin encore vivant, la plage où il se trouve en compagnie de sa mère, de son frère et d’une nurse sicilienne au temps heureux, insouciant du devenir. Il se revoit aussi au sein d’une foule bigarrée étreignant la main de son père, dans les rues de Tunis.
L’ombre avance cependant avec la mort annoncée du père, officier des Affaires indigènes, « si jeune encore », son agonie qui le réconcilie avec son fils dans une dernière étreinte ; la mort du frère cadet, engagé dans la guerre d’Algérie, qui met fin à ses jours ; la maladie de sa mère résumée par ce terrible aveu : « je ne sais plus ce que je fais » ; enfin sa blessure propre dont on devine qu’elle fut violente et qu’il lui faut la conjurer avant de revenir à Tunis « sur les lieux de l’offense » : « L’heure approchait où il lui appartiendrait d’extirper de sa mémoire cette espèce d’hydre de Lerne, une blessure d’enfance sans cesse ravivée… » L’indicible s’écrit peu à peu, à mots couverts afin de ne pas ajouter plus de brutalité encore à ce qui s’est accompli « la veille de sa communion privée », brisant irrémédiablement cet état d’innocence.
Après Tunis, ce souvenir destructeur, Tabarka est le lieu de la rédemption. Avant d’y revenir il lui faut apprivoiser sa crainte à travers ses rêveries mais aussi « guides et catalogues, le détail des plans, l’emplacement des rues familières pour s’immerger dans son passé ».
Ce rêve de retour, extrêmement suggéré, dont on ne sait s’il se concrétise vraiment, sauf dans la dernière partie étrangement courte et concise (car tout s’est joué avant et se conclut par une mort apaisée), recompose toute une vie, et les mots de l’auteur, poétiques et radieux malgré ses blessures, « redonnent vie à des heures réelles, perdues et retrouvées… à l’âge où il est dit que l’existence se reconstitue dans cette vérité transfigurée qui précède la mort ».
Retour à Tabarka
de Bernard Clesca
Editions Pétra Coll. Pierres écrites. 95p. 15 e
12 Rue de La Réunion -75020 Paris

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