Le carré rouge I
de Marcel Peltier

critiqué par Kinbote, le 8 juin 2003
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Chemin de vers
« Roues rouages engrenages... » La poésie de Marcel Peltier est comme un train fou qui dévalerait les pentes du verbe, emportant plaines et rivières, monts et vallées lexicales dans sa course de mots, « avalant les virgules » et faisant fi des ponts et tunnels langagiers susceptibles de freiner son élan, et qui s’arrêterait pile au bord d’un garde-fou planté en haut d’une rampe de lancement à chaque station que sont les divers poèmes déliés.
Et ce, sans jamais verser dans l'abstraction pure ni quitté les rails d’un itinéraire initialement tracé sur la carte du tendre.
Une poésie qui se donne les moyens à la fois de s’affoler et de rester maître d’elle-même.
« Roues rouages engrenages les mots fous de joie se mettent en mouvement s'étirent justement le temps nécessaire pour sortir de leur torpeur. »
« Tables d'écriture équerres écartelées balances... »
Les mots lancés dans le tourbillon sont triturés tordus traités phonétiquement accolés littérairement affolés de façon à donner leur pleine mesure, à toucher aux lieux retranchés de la pensée.
Un tel traitement entraîne lecteur et auteur en un point inimaginé où, au risque de faire perdre tout repère spatio-temporel, les sens affluent en s’agrégeant en images polychromes audacieuses et inédites.

« Fureurs gonades grenades béliers d’or un autre temps » naît sous les herbes/gerbes des mots éclatés jusqu'à la lumière de « ces minutes radieuses [où ] le corail des mots se métamorphose en autant de terres inconnues ».
« Suivre les traces faïencées du vent fertile » .. jusqu’à « découvrir les explosions inattendues les vitres éclatées en ruisseaux de sève ardente », tel pourrait se résumer le projet libre de ce piétineur de syntaxe, de cet obstiné danseur sur des « notes venues d'un autre temps », de cet enjôleur de phonèmes qui sait flatter « les ombres déshéritées de la géométrie projective » tout en gardant par devers-soi le doux souvenir « du dernier soleil qui minaude » autant que celui des « ombres tristes [qui] se meuvent autour [de lui] à chaque instant. »
Alechinsky, Bellmer, Braque, Chagall, Dali, Marïen, Michaux, Miro, Mondrian, Picasso, Van Gogh, entre autres, « ont influencé ces approches » poétiques. Sans oublier Malevitch dont l'esprit de ce recueil attachant est imprégné.
Lire au "verso" la manière de postface du Paul Van Melle. Aux Ed. du GRIL - 11, avenue du Chant d'oiseaux, B 1310 La Hulpe