La libération animale
de Peter Singer

critiqué par Lectio, le 13 novembre 2013
( - 75 ans)


La note:  étoiles
l'esclavage animal
En ce début d'automne 2013 un groupe de protestataires sur la condition animale pétitionne pour modifier la loi sur le statut de bien meuble de l'animal dans le code civil. Voici que la France, retardataire sur le sujet, selon Peter Singer lui-même, s'interroge sur l'animal, le non humain, ses conditions de vie, de mort et ses rapports avec l'humain. C'est l'objet même de la réflexion de P. Singer dans cet ouvrage paru en 1975, vendu à un million d'exemplaires et devenu la référence incontournable dans le débat sur l'éthique animale. Les animaux souffrent, comme nous. Les animaux ressentent des émotions, comme nous. Dès lors il convient de reconsidérer notre relation et notre domination sur le non humain. Très concret, finement argumenté, d'une lecture remarquablement aisée, la démonstration fournit quantités de faits et d'exemples sur l'exploitation, la maltraitance, la mutilation, la déformation de quantités d'animaux. Voyages d'horreur dans les laboratoires, le pharmaceutique, la cosmétique, l'agroalimentaire, l'armée.. Voyage dans les conditions d'élevage et d'engraissage des veaux, vaches, cochons, poissons, et dans la barbarie des conditions de transport et d'abattage. Certes, dans cette deuxième édition mise à jour, le philosophe australien reconnait que les scientifiques tendent à éviter l'expérimentation animale, reconnaissant souvent son inutilité, que les éleveurs et les industriels souvent contraints par de timides lois, se préoccupent un peu plus du bien être de l'animal. Mais malgré la prise de conscience due notamment à son ouvrage, le professeur de bioéthique pointe encore les insuffisances. Il nous emmène plus loin. Il préconise le végétarisme et dans une démonstration exhaustive le présente comme la seule solution. Bien au-delà encore, le philosophe Singer s'attaque à la racine du mal : le spécisme. Depuis les temps bibliques les plus reculés l'auteur démontre cette supériorité intolérable de l'humain sur le non humain. Pourrons-nous sortir de cette vision ancestrale ? La réponse est affirmative en s'appuyant sur le temps, la prise de conscience, les associations de défense des animaux, les bienfaits du végétarisme sur la santé, l'économie, la faim dans le monde. Nonobstant la consommation de produits carnés augmente entraînant désordres dans le climat et la santé. Les animaux n'ont pas fini de souffrir et malgré son talent Peter Singer a encore un long chemin pédagogique à parcourir.
Fait réfléchir ET agir 10 étoiles

Comme le précise Lectio, ce livre est initialement paru en 1975 aux Etats-Unis. Il a fallu attendre de nombreuses années pour le voir traduit en français. En 1995, l'auteur ré actualise son contenu sans rien changer des principes centraux sur lesquels repose son argumentation. L'édition ici présentée est celle de 2012 contenant de nombreuses préfaces replaçant le livre dans son contexte, et soulignant l'extrême et perpétuelle actualité de son contenu.

Cela fait maintenant plusieurs mois que j'ai cessé de manger au quotidien de la viande et du poisson, pour des motifs que l'on peut regrouper sous le terme très vague "d'environnementaux". Mais je n'ai pas cessé d'en manger tout le temps, pour des raisons pratiques. Je n'avais cependant jamais réfléchi aux arguments moraux que l'on peut avancer devant le fait de ne pas consommer de viande et de poisson. C'est ce que ce livre propose d'exposer de manière simple et pragmatique.

J'ai dévoré ce livre et je vais m'empresser de le recommander autour de moi. La rigueur de l'exposé ne peut que convaincre. Convaincre non pas nécessairement de cesser définitivement de consommer de la viande et du poisson, mais convaincre a minima que le notre consommation de viande et de poisson n'est pas légitime d'un point de vue moral, et que ce que nous avançons pour défendre ce comportement ne sont qu'excuses et rationalisations.

L'argumentation repose sur un principe central : le principale d'égale considération des intérêts d'une espèce. Ce principe s'oppose au spécisme, qui est le fait d'accorder plus d'importance, plus de valeur, aux intérêts d'une espèce. Cela n'implique cependant pas de traiter toutes les espèces de la même façon, car chaque espèce a des intérêts spécifiques. Les espèces en capacité d'éprouver de la souffrance et du plaisir doivent donc toutes être prises en égale considération sur ces aspects. C'est en s'appuyant sur cet argument que l'auteur va mettre en avant la non légitimité des expérimentations animales et de l'élevage industriel tels qu'ils sont conçus aujourd'hui. Il s'agira toujours d'exposer les choses de manière pragmatique et d'insister sur le fait que tout un chacun peut agir concrètement contre ces incohérences.

Peter Singer décortique les arguments souvent mis en avant par ceux défendant l'élevage intensif, en stipulant par exemple que "seul les animaux en bonne santé et dont le bien-être est optimal peuvent être vraiment productifs". Il s'appuie sur des données vérifiables permettant de rejeter cet argument, et beaucoup d'autres.

J'aime tout particulièrement ce passage dans lequel tout un chacun pourra sans doute se reconnaître :

"Il est facile de prendre position sur une question à mille lieux de chez soi, mais les spécistes, tout comme les racistes, dévoilent leur vrai visage quand les problèmes les touche de plus près. Protester contre la corrida en Espagne, contre la consommation de viande de chien en Corée du Sud, ou contre l'abattage des bébés phoques au Canada, tout en continuant à manger des oeufs venant de poules qui ont passé leur vie entassées dans des cages, ou de la viande de veaux qui ont été privés de leur mère, d'un régime alimentaire convenable et de la liberté de se coucher en étirant leurs pattes, est comme dénoncer l'apartheid en Afrique du Sud tout en demandant à votre voisin de ne pas vendre sa maison à des Noirs." (p304 de l'édition de 2012)

Elya - Savoie - 34 ans - 29 mai 2014