Mémoires
de Louise Michel

critiqué par Cyclo, le 1 février 2014
(Bordeaux - 78 ans)


La note:  étoiles
De beaux "mémoires" !
De ces célèbres "Mémoires", où la bonne Louise raconte sa vie, on retiendra les passages sur l'éducation : "On nous débite un tas de niaiseries [à nous, les filles], appuyées de raisonnements de La Palice, tandis qu'on essaie d'ingurgiter à nos seigneurs et maîtres des boulettes de science à leur crever le jabot", "Allons, allons, l'art pour tous, la science pour tous, le pain pour tous, l'ignorance n'a-t-elle pas fait assez de mal, et le privilège du savoir n'est-il pas plus terrible que celui de l'or ? Les arts font partie des revendications humaines, il les faut à tous ; et alors seulement le troupeau humain sera la race humaine", sur la mariage : "j'ai toujours regardé comme une prostitution toute union sans amour", sur la difficulté d'être publiée, quand on est une femme : "J'avais eu plusieurs fois l'occasion de remarquer qu'en jetant dans la boîte d'un journal quelconque des feuillets signés Louise Michel, il y avait cent à parier contre un que ce ne serait pas inséré ; en signant au contraire Louis Michel ou Enjolras, la chance était meilleure", sur le sort échu aux femmes, vendues aux hommes : "Est-ce qu'il n'y a pas de marchés où l'on vend, dans la rue, aux étalages des trottoirs, les belles filles du peuple, tandis que les filles des riches sont vendues pour leur dot ?", sur son amour des animaux : "Au fond de ma révolte contre les forts, je trouve du plus loin qu'il me souvienne l'horreur des tortures infligées aux bêtes", sur son voyage d'exil vers l'internement en Nouvelle-Calédonie, où elle fut une des seules parmi les Communards à s'intéresser aux Canaques et à les défendre : "la mer fut pour moi le plus beau des spectacles [...] Un voyage de long cours sur un vaisseau de guerre, je n'aurais jamais osé rêver pareille aubaine", et "On m'accusa de sauvagerie. C'était justement à l'époque de la révolte des tribus, et je passais près des camarades pour être plus canaque que les canaques", sur son idée de restaurants du coeur pour les Communards rentrés d'exil et qui crevaient de faim, idée reprise par Coluche : "Des citoyennes dévouées parlent de former, au moyen d'une conférence monstre, un établissement de bouillon qui durerait jusqu'en mars prochain et où chaque amnistié trouverait chaque jour un repas qui l'empêcherait de mourir de faim. Qu'on ajoute une ou deux centaines de familles ou d'hommes seuls qui donneraient à coucher jusque-là à un amnistié sans travail, et le peuple aurait lui-même sauvé de la mort ses frères de la déportation et du bagne", sur sa critique des guerres coloniales : "J'avais dit entre autres choses que les finances volées aux travailleurs étaient employées à répandre le sang à la Tunisie et au Tonkin"... Louise Michel écrit au fil de la plume, ne se relit pas toujours, mais c'est passionnant.
Enfin, n'oublions pas que la vierge rouge ne manquait pas d'humour, par exemple : "Elle ne voulut pas rentrer avec moi chez un photographe un soir que, m'étant procuré un horrible portrait et l'ayant chargé encore de détails fantaisistes, je dis au photographe […] : « Monsieur, j'ai vu sur votre porte : Photographie en pied. Veuillez mettre des pieds à mon mari que voici. » Tête du bonhomme, à qui je donne des explications saugrenues et qui s'indigne pendant que je me sauve en riant."