Lettres écrites de la Montagne de Jean-Jacques Rousseau

Lettres écrites de la Montagne de Jean-Jacques Rousseau

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités , Sciences humaines et exactes => Philosophie

Critiqué par Elya, le 3 novembre 2013 (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans)
La note : 8 étoiles
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Où Rousseau relève et décortique des sophismes

Le contenu de ces lettres n’a rien à voir avec une quelconque montagne. Elles ont été écrites par Jean-Jacques Rousseau en 1763 et 1764 suite à la parution en 1763 des Lettres écrites de la campagne d’un procureur de Genève, Jean-Robert Tronchin, qui justifiait la condamnation de deux ouvrages de Rousseau, Emile ou de l’éducation et du Contrat social. La publication de ces deux ouvrages a entraîné, entre autres, l’interdiction à leur auteur de pénétrer dans sa ville natale de Genève.
Impatiente de lire l’ouvrage de Rousseau, je n’ai pas consulté avant les lettres de Tronchin. Cela ne m’a pas empêchée de comprendre globalement ce qui était reproché à Rousseau, et sur quoi s’appuyaient ces imputations en termes de loi et de religion, car il cite de nombreux passages des Lettres écrites de la campagne. Mais il aurait été plus judicieux je pense que je lise d’abord l’ouvrage de Tronchin pour me faire ma propre idée sur la valeur rhétorique et/ou factuelle de ce qu’il énonce, sans être influencée ou aidée par les remarques et critiques de Rousseau qui affluent dans ses lettres.

Les neufs lettres qui composent cet ouvrage peuvent se dégrouper en deux parties.

La première partie aborde plutôt les problèmes juridiques qu’a suscité la parution des ouvrages de Rousseau. Ce dernier démontre petit-à-petit en quoi les condamnations qui lui ont été faites ne sont pas raisonnables, ni en terme de raison ni en terme de loi, même s’il reconnaît avoir peut-être fait des erreurs de jugement. Seules des considérations théologiques auraient pu avoir du poids. Cependant Rousseau désamorce celles-ci, en s’appuyant sur l’expression « l’erreur est humaine », qu’il agrémente un peu plus et ne présente pas ainsi, sans doute pour qu’elle ait plus fière allure : « j’ai fait voir que ces erreurs n’étant point nuisibles à la société n’étaient pas punissables devant la justice humaine. Dieu s’est réservé sa propre défense, et le châtiment des fautes qui n’offensent que lui. C’est un sacrilège à des hommes de se faire les vengeurs de la divinité comme si leur protection lui était nécessaire. Les magistrats, les rois n’ont aucune autorité sur les âmes, et pourvu qu’on soit fidèle aux lois de la société dans ce monde (…) ».
Les principales accusations auxquelles il répond dans cette partie sont celles qui prétendent qu’il a attaqué le culte des Réformés, qu’il rejette les miracles et qu’il a violé son serment de bourgeois en sortant de Genève. Celles-ci s’appuieraient sur des attaques ad hominem et autres sophismes, que Rousseau relève et décortique petit-à-petit. Il est m’est difficile en une simple lecture de juger de la valeur de cette réponse, mais je pense qu’elle n’est pas exempte elle aussi d’erreurs de raisonnement, volontaires ou non. Cet extrait résume bien ce que pense Rousseau des lettres de Tronquin: « J’ai cru, Monsieur, qu’il valait mieux établir directement ce que j’avais à dire, que de m’attacher à de longues réfutations. Entreprendre un examen suivi des Lettres écrites de la campagne serait s’embarquer dans une mer de sophismes. Les saisir, les exposer serait selon moi les réfuter ; mais ils nagent dans un tel flux de doctrine, ils en sont si fort inondés, qu’on se noie en voulant les mettre à sec ». Rousseau n’a tout de même pas pu s’empêcher de les examiner.

La seconde partie reprend plutôt des éléments qui ont été exposé dans le Contrat social ou d’autres écrits politiques de Rousseau. Il s’agit d’établir constat de l’état de la république de Genève, et de brièvement évoquer quelles mesures il faudrait prendre pour qu’il évolue. Cette partie m’a moins plu, car je lisais ces lettres surtout pour voir de quelle manière Rousseau se défendait de la rhétorique qu’on lui avait assénée, et pas tellement pour avoir de nouveau son point de vue sur des constatations politiques.

Il me semble intéressant de prendre connaissance de ces lettres si on a déjà lu quelques œuvres de Rousseau et que ce philosophe ainsi que le contexte de l’époque nous intrigue. Il est intéressant d’y observer à quel point Rousseau au style exaltant manie avec précision et rigueur les figures rhétoriques.

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