Les faits divers n'existent pas
de Martine Latulippe

critiqué par Libris québécis, le 2 novembre 2013
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Que c'est triste Québec !
Comme pourrait le chanter Charles Aznavour, que c’est triste Québec lorsque les Plaines d’Abraham « ne viennent souligner que des silences creux » ! La vie n’est qu’une suite ininterrompue de petits faits à faire pleurer. « On le voudrait bien, ajouterait le chanteur, mais on ne le peut plus. »

Nous nous nourrissons de petites misères. Il ne faut pas s’en faire, nous dit Maurice Chevalier, mais il n’en demeure pas moins que tous et chacun doivent les affronter au quotidien. En somme, les faits divers n’existent pas. Certains trouvent écho dans les médias, mais, en fait, ils composent le menu de tous les jours. C’en est désolant, d’autant plus que le silence pèse de tout son poids sur les malheurs qui affligent les vieux comme les jeunes, les hommes comme les femmes. Nous assistons, impuissants, aux drames qui semblent être la taxe à payer pour occuper notre vallée de larmes, dont fait état le Salve Regina : « Gementes et flentes in hac lacrimarum valle. »

Comme le vitrier, Martine Latulippe a soudé des menus morceaux de nos vies pour monter une verrière qui reflète la grisaille de l’existence. Avec une écriture qui ressemble à un coupe-verre, elle a taillé des phrases sans bavures. Plume tranchante qui ajuste le matériau à l’effet recherché. Phrases courtes, dépouillées, voire cliniques pour ne pas dire sèches afin de s’assurer de la justesse de la démonstration. Bref, c’est un parangon pour les élèves du secondaire qui ont la nouvelle à l’étude, d’autant plus que l’auteure a évité le discours métaphysique.
Courtes noirceurs 9 étoiles

Ce recueil contient des nouvelles déjà publiées et pour certaines primées. Les thèmes récurrents ont tous traits à des drames généralement très intenses. Bien que les courts textes ne soient pas joyeux, il n’en demeure pas moins qu’une certaine tendresse ou un moment d’espoir peut y éclore, comme dans cette nouvelle d’un vieil homme qui veut en finir et trouve une raison de s’accrocher à la vie.

Les règles de la nouvelle sont respectées à la lettre. Des personnages bien évoqués malgré la brièveté et des histoires figées dans une période de temps avec un rebondissement. On dit au Québec, des nouvelles « punchées » À cet égard, l’auteure a beaucoup de talent (pourtant elle plutôt reconnue en littérature jeunesse). L’efficacité est redoutable et je n'ai pas eu cette impression d’éparpillement souvent associée aux recueils.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 6 juillet 2014