Un petit gros au bal des taciturnes
de Jacques Marchand

critiqué par Libris québécis, le 30 octobre 2013
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Le Flambeur et le Taciturne
Le titre drolatique résume très bien ce roman qui relate l'histoire de Théo, un obèse extraverti, venu vivre chez son frère Jacques pour fuir ses déboires financiers et conjugaux. Son arrivée impromptue part le bal dans la vie rangée de son cadet, un taciturne habitant un quartier populaire de Longueuil, où il enseigne à temps partiel pour consacrer plus de temps à la lecture et à l'écriture. Toutes ses habitudes vont être chamboulées d'autant plus que Théo s'emmène avec Merlin, un bouledogue anglais « d'une merveilleuse laideur ».

Tout oppose les deux frères, pourtant élevés par les mêmes parents, au rythme des années 1960, dans des arrondissements paisibles de Montréal. L'aîné est un flambeur attaché à la réussite sociale et aux effigies afférentes comme la grosse voiture. Le cadet, ayant nagé en plein drame existentialiste, a opté finalement pour la simplicité volontaire. Loin de la vie homérique, il mène une vie solitaire, non pas celle qui stérilise, mais celle qui creuse les tréfonds de l'âme. En somme, il s'agit d'un roman qui pénètre la dualité fraternelle. Contrairement à Théo, devenu un homme d'affaires en quête de valorisation, Jacques a épousé le parti de la réserve. Sans emprunter les raccourcis qui contournent le creuset d'une mûre réflexion, il tente de percer, comme Alexis Carrel, l'homme cet inconnu, et, en particulier, les liens qui l'unissent à sa fratrie.

Cette œuvre est une flagellation à l'orgueil des misanthropes, qui jettent un regard cynique sur l'humanité à laquelle ils appartiennent. Sans référer à une transcendance créatrice, l'auteur assoit plutôt les arcs de voûte du bonheur sur la résilience des rapports humains. Le propos, concentré autour de la cellule familiale, sait capter notre intérêt avec les tranches de vie significatives qui ont façonné la dynamique de ses héros. S'appuyant sur de nombreuses références philosophiques, ce roman, écrit avec simplicité, incite à la joie de vivre en transperçant les fausses apparences qui nous opposent.