Marion du Faouët ou la révolte des gueux
de Margot Bruyère

critiqué par JulesRomans, le 24 novembre 2013
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
La Bretonne avait deux beaux bonnets rouges
Elle avait de tout petits petons, Marion, Marion. Elle avait des tout petits tétons qu’elle faisait tâter à tâtons, tonton tontaine. Elle avait un tout petit menton, Marion, Marion. Outre ses petits petons ses petits tétons son petit menton, elle était frisée comme un mouton.

Si nous attaquons ainsi la présentation de cet ouvrage, c’est qu’un passage a retenu notre attention page 49, du fait qu’il s’agit de littérature de jeunesse:

« Ici, la clientèle était essentiellement masculine et Marion, la rusée, avait décidé d’en tirer avantage. Elle allait donc, balançant son panier et son ample jupe de drap bleu, mettant ainsi en valeur la rondeur de ses hanches et la finesse de sa taille bien prise sous le corsage de velours jaune, brodé de fleurs rouges. Elle avait, mine de rien, ouvert le col de sa chemise, découvrant la naissance de sa gorge ronde et ferme. Sous la blancheur de la coiffe, ses cheveux cuivrés scintillaient au soleil. Marion était irrésistible et elle le savait ».

La dimension sensuelle est loin d’être absente dans l’ouvrage et c’est pourquoi, je déconseille ce livre pour des enfants de l’âge primaire car je connais assez le brouhaha de réactions très sincèrement scandalisées que peut susciter certains passages chez des jeunes de moins de onze ans. Je me dois le préciser car le SCÉREN et l’éditeur ont publié un livret d’exploitation pour des élèves de cycle III. On sourira en voyant que le chapitre, dont nous avons tiré un extrait, propose de chercher les noms du mâle, de la femelle, du petit, de l’habitat et du verbe exprimant le cri pour un animal précis (dont la poule, le cochon, le tigre …).

Il s’agit par contre d’un très bon roman historique à destination des collégiens. L’héroïne chef d’un groupe de voleurs bien intégré dans le milieu où ils agissent, à savoir la Cornouaille dont la ville principale est Quimper, est présentée sous la forme quasiment d’un Robin des bois. Si ce brigandage réussit à survivre, c’est qu’il est perçu localement comme l’instrument d’une revanche sociale s’effectuant principalement sur des étrangers à la région (marchands ou pèlerins d’un pardon), sans effusion de sang et avec de menus avantages pour la population des villages de Cornouaille.

On est alors durant le règne de Louis XV et la révolte des Bonnets rouges sous Louis XIV (avec ses doléances non assouvies) est dans les mémoires. La confiance dans le roi n’est plus, on reproche à Louis XV ses impôts, ses maîtresses, ses dépenses fastueuses et d’avoir travaillé pour le roi de Prusse en rendant les Pays-Bas autrichiens conquis. Le dossier documentaire ne développe pas ces derniers aspects (pas plus que les croyances populaires autour des hommes et femmes aux cheveux roux), mais cela aurait pu. Il se contente de parler de mauvaises récoltes, épidémies, mendicité et des bandes de voleurs. Dans la présentation le lien est fait entre le combat contre l’ordre établi (sic) de l’héroïne et les idéaux de 1789.

La première étude historique sur le personnage est de Julien Trevedy, qui donne «Marie Tromel dite Marion du Faouët, chef de voleurs (1740-1755)» dans le "Bulletin de la Société Archéologique du Finistère", tome XI, 1884, p. 70-143. Entre 1910 avec Jean Lorédan et aujourd’hui, ce sont plus de vingt auteurs qui retracent sa vie soit sur le mode historique, soit en produisant une fiction.