14-18 Images de propagande : ou l'art de vendre la guerre
de Annie Pastor

critiqué par JulesRomans, le 30 octobre 2013
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
Acheter la paix intérieure pour sacrifier ses soldats
Dans le domaine des affiches de guerre, une petite culture commune s’était installée chez nombre de Français. John Bull interpelant un passant anglais la question « Who’s absent ? Is it you ? (page 83), l’Oncle Sam osant « I want you in the navy and I want you now » (page 131), la cathédrale de Reims en feu (page 64), le « Daddy, what did YOU do in the Great War ? de 1915 pour l’Angleterre, le soldat français en loques devant les barbelés de la tranchée s’insurgeant que le conflit puisse, par la volonté des civils, se terminer par une paix blanche, vous parlent évidemment.

D’autres moins connues par le grand public sont présentes comme le poilu devant la carte du front de H. Delespre, l’affiche sur le recensement professionnel de prisonniers de guerre fin 1918. Toutefois l’apport du livre vient du fait qu’il traite des affiches de guerre de plusieurs pays. Pour les Alliés ce sont l’Angleterre, puis le Canada dans son ensemble, l’Australie, la Russie, les USA, l’Italie et pour ses adversaires l’Allemagne et l’Autriche.

Ce classement selon l’origine étatique permet incontestablement de saisir des sensibilités nationales et de voir par exemple que les messages injonctifs sont plus nombreux chez les Italiens et que le suggestif domine très largement pour les USA au niveau des slogans. On saisit bien que «Cacciali via » (Chassez-les) ou « Per la Patria, per la Pace, i mei occhi ! Il vostro denaro» (Pour la patrie, pour la paix et pour moi aussi … faites vos dons ) prononcé par un aveugle de guerre n’ont pas la même tonalité que « The motor transport corps offers you an opportunity to become an expert auto mechanic and repairman » ou « Travel ? Adventure ? Answer, join the Marines ! ».

Ceux qui s’intéressent au travail des femmes françaises dans les usines durant la Grande Guerre apprécieront l’esthétique affiche américaine leur rendant hommage, et goûteront le décalage entre la sobre distinction des physiques et mouvements des personnages et la réalité du travail en usine à cette époque (page 154). Très esthétiques sont aussi plusieurs affiches autrichiennes d’art nouveau.

Le Baron rouge (Manfred von Richthofen) est représenté appelant à la souscription de l’emprunt de guerre par un artiste allemand dont on aurait aimé connaître le nom (page 28), car le principal défaut de ce livre est de ne jamais avoir fait l’effort d’identifier les signatures. L’utilisation des atrocités allemandes en Belgique est assez récurrente. Une affiche montrant une élégante moscovite (en habit traditionnel d’hiver) apportant une aide à un soldat roumain blessé est d’un plus bel intérêt historique qu’esthétique ; le dessin et le type de représentation de l’action manquent d’originalité. Sort de manière concomitante "1914 – 1918 : La Guerre des Affiches" de Patrick Facon que nous présentons aussi.